Les plantes, une nouvelle espérance pour la santé de demain

PAR DJIBRIL BÂ, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL HÔPITAL TRADITIONNEL DE KEUR MASSAR

Jamais, dans l’histoire, l’humanité n’a été aussi interpelée par les questions de sa propre survie sur Terre. Quel rôle les plantes sont-elles appelées à jouer dans cette pérennité de la vie ? Lisez les réponses de Djibril Bâ, secrétaire général de l’Hôpital Traditionnel de Keur Massar, extraites de son intervention au colloque Denis Guichard, le 22 octobre 2011.

Pourquoi les microbes délaissent-ils leurs hôtes naturels pour s’attaquer à l’homme ? Pourquoi, par exemple, le virus du sida, hôte naturel du singe, a-t-il éprouvé le besoin de venir habiter le corps humain ? Pourquoi les microbes sont-ils devenus plus méchants, plus que de raison, à notre égard ? Pourquoi les médicaments censés guérir rendent-ils plutôt malades ? Pourquoi le milieu hospitalier aseptisé est-il devenu un réservoir de microbes ?

Quelle est la cause de ces nouvelles maladies ?

Sortir de notre torpeur

Nous nous demandons si ces questions ne constituent pas une invite à sortir de la torpeur dans laquelle nous a précipités l’essor fulgurant de la réussite, l’écho retentissant du succès de la médecine dite moderne, une torpeur charriant un sentiment lénifiant de sécurité et de confort qui est un un leurre ! Car la méthodologie de cette médecine préfigurait bien une course sur les toits, qui devait nécessairement prendre fin, de gré ou de force. En effet, saurait-il y avoir une issue heureuse à cette démarche qui consistait d’abord à isoler les principes actifs des plantes, puis à en faire des copies artificielles ?

Il est tout aussi permis de nous demander si les personnalités qui nous interpellent ici ne nous demandent pas tout simplement de nous réconcilier avec la nature… D’autres personnalités, en face d’elles, avaient, elles aussi, choisi de faire œuvre de pionniers. Ces personnalités ont lancé des expériences concrètes qui attestent leurs qualités de visionnaires, sans équivoque aujourd’hui.Nous citerons parmi celles-là feue le Professeur Yvette Parès qui fut au départ d’un challenge unique sans doute au monde avec la fondation de l’Hôpital Traditionnel de Keur Massar au Sénégal. C’était une entreprise téméraire car il s’agissait de braver la loi qui interdisait, sur le plan officiel tout au moins, la pratique de la médecine traditionnelle, pour sauver le maximum de personnes à la marge du système sanitaire officiel… mais aussi une œuvre où la plante en tant que totum végétal retrouvait toute sa noblesse. Toujours au titre de ces expériences concrètes, nous pouvons également citer l’association française Jardin du Monde

Ces expériences militent en faveur de la réconciliation de l’homme avec la nature, donc avec les plantes. Simple question de bon sens, peut-être… En effet, l’homme a, au cours des siècles, su trouver auprès de Dame Nature, voisine généreuse et profuse, des ressources pour concevoir les produits les plus divers, tant du point de vue de leur forme que de leur destination, pour prendre en charge ses préoccupations en matière de santé.

Et nous ne devons pas oublier que, très fréquemment, ce patrimoine épouse largement les contours de son ancienne alimentation au vu de la coïncidence entre plantes comestibles et plantes médicinales.

Les plantes en pole position

En quoi les plantes constituent-elles une nouvelle espérance pour la santé de demain ? Est-ce à dire que l’humanité en est arrivée à oublier la richesse inouïe que les générations d’hommes et de femmes ont constituée au fil de leur compagnonnage avec les plantes et dans la nature ? Comment se fait-il que l’on ait oublié à ce point notre dépendance atavique et multiséculaire vis-à-vis des plantes quant à notre nourriture, notre vêtement, notre habitat et notre santé ?

Si les plantes ont cessé, dans certaines parties du monde, d’être un fondement d’espérance de santé pour rester le seul recours dans d’autres contrées, ce n’est assurément pas la faute de la seule médecine dite moderne, si on devait lui imputer une parcelle de responsabilité…

La faute en incombe au premier chef à l’homme. Car l’histoire nous enseigne nombre de fois où nous autres hommes, par notre comportement orgueilleux et égocentrique nous nous sommes mis dans une fâcheuse position de provoquer la nature et donc le Seigneur, notre Maître et celui de la nature, aussi.

Il ne peut s’agir d’une découverte des bienfaits des plantes en matière de santé, mais tout au plus d’une redécouverte. Ou d’un appel ayant pour objectif l’enrichissement des pratiques et approches traditionnelles fondées sur les savoirs anciens concernant les plantes, savoirs développés au sein de communautés diversifiées, en s’inspirant du progrès scientifique et technique pour promouvoir des phyto-médicaments ou pour concevoir de nouveaux produits pharmaceutiques. Ou mieux encore, le sceau d’une nouvelle relation entre ce que l’on a coutume de désigner par ethnobotanique et la recherche scientifique et technique…

Toujours est-il que les plantes retrouvent leur pole position ; les succès dont elles sont créditées dans les traitements de plusieurs pathologies ne se comptent plus. Tout se passe de nos jours comme si l’homme redécouvrait les plantes. Et il est très heureux de pouvoir mettre ce nouvel engouement pour les plantes en corrélation avec les nouveaux appels pour une alimentation saine, une agriculture bio et un mode de vie plus proche de la nature. Cette corrélation est très importante. Notre monde est à un carrefour de son évolution. La raison commande de changer d’optique.

La santé, une réalité multiforme

Un fait mérite d’être rappelé. La médecine dite moderne nous a valu beaucoup de victoires sur les maladies, victoires qui ont permis de sauver nombre de vies humaines. Une erreur serait, là encore, de ne privilégier que les propriétés médicinales des plantes. Car les plantes ne sont qu’un élément d’un tout qui forme l’Univers et leurs propriétés médicinales ne sont qu’un des aspects de leur nature, de leur utilité. Un Tout composé de diverses parties contribuant chacune de façon unique à l’équilibre du monde tel que nous l’avons du moins reçu des générations précédentes, et non pas tel que nous l’avons changé aujourd’hui à notre grande désolation, au point de nous émouvoir de la situation dans laquelle nous la transmettrons aux générations futures.

En effet, les plantes, à elles seules, peuvent-elles relever les défis actuels en matière de santé ? La santé est plutôt une réalité multiforme. Et comment concilier la localisation limitée géographiquement des plantes avec la globalisation des pathologies ? Déjà, nous en voyons les résultats effrayants induits par leur surexploitation dans certains pays où l’écrasante majorité des populations n’a pas accès, géographiquement ou financièrement, aux structures sanitaires modernes, et encore moins aux médicaments dits essentiels et ne recourent de ce fait qu’à la phytothérapie traditionnelle.

Il s’agit plutôt, à notre humble avis, d’être davantage conscient des équilibres de la nature et d’essayer de restaurer ceux que nous avons rompus, sciemment ou non. Cela ne nous empêche pas de nous demander si la nature a vraiment besoin de notre aide… elle qui fut créée par le Seigneur au soir du troisième jour, cependant que l’homme ne le fut qu’au bout du sixième jour…

Pour notre part, les plantes resteront tant qu’elles existeront un recours de premier choix contre les maladies de l’homme. Encore faut-il qu’il se donne les moyens de conserver sa santé en minimisant les risques de la perdre. Sans doute faut-il privilégier le préventif au curatif dans le cadre d’une nouvelle approche thérapeutique qui donne la même importance au corps qu’à l’âme. Car le corps n’est-il pas le messager de l’âme ?

Or la meilleure des préventions réside dans une vie saine, dans un mode vie plus conforme à la nature. Veiller davantage sur ce que l’on mange, sur ce que l’on boit, sur ce qu’on respire, sur tout ce qui concourt à la vie… non pas seulement des êtres humains, mais de l’univers…

Bref, si nous voulons que les plantes puissent jouer pleinement leur rôle et être présentes à chaque appel de la nécessité, il faudrait bien qu’elles se retrouvent, dans tous les sens du terme, dans nos corps, les corps des hommes !