Ecologie et thérapies chimiques

PAR LE PR YVETTE PARÈS


La science veut tout comprendre, peser, compter, mesurer, reproduire. Quoi de plus simple, en thérapeutique, que de faire appel à des molécules issues de synthèses chimiques que l’on pourra doser au mg près et dont on aura déterminé les cibles et les modes d’action ? Cette théorie séduisante et apparemment d’une parfaite rigueur est démentie par la pratique.
En réalité, cette vision très réductrice, focalisée sur des points précis, oublie que ces points font partie d’un tout, l’organisme, dont on ne peut prévoir l’ensemble des réactions à court ou moyen terme. Elles se découvrent avec les effets indésirables des médicaments et les maladies iatrogènes qu’ils provoquent.
L’émergence de souches résistantes, puis multirésistantes
Considérons le cas des molécules prescrites au cours des maladies infectieuses bactériennes et virales et des affections parasitaires. Comme tous les autres produits médicamenteux, elles vont polluer l’eau mais un autre aspect retiendra notre attention : il s’agit de « l’environnement pathogène microbien » qui entoure les humains.
Les micro-organismes subissent de nombreuses variations et mutations qui demeurent inaperçues lorsqu’elles n’affectent en rien leur virulence. Il n’en est pas de même lorsqu’elles se produisent sous l’effet des antibiotiques, antituberculeux et antipaludéens de synthèse, prescrits en « thérapies moléculaires ».
Précisons, tout d’abord, cette notion. Dans ce mode de traitement, les agents infectieux sont attaqués par un type de molécule ou un groupe de deux, trois, parfois quatre types différents. Il suscite immanquablement l’émergence de souches résistantes puis multirésistantes beaucoup plus redoutables.
Une question se pose : ce caractère pathologique considérablement accru sera-t-il irréversible ou s’atténuera-t-il au fil du temps ? Aucune réponse ne peut encore être apportée.
Un autre point mérite réflexion : on peut encore guérir par thérapies moléculaires les maladies infectieuses, causées par des germes demeurés sensibles. Mais, parallèlement à la guérison obtenue, des résistances émergent sans bruit et entraîneront plus tard, pour d’autres patients, de grandes souffrances ou décès. Ces résultats satisfaisants à court terme préparent en réalité les ravages de demain. Une conclusion logique s’impose : le nécessaire abandon de ces thérapies aux effets néfastes. Mais comment combler le vide ? Où trouver les solutions de rechange ? Peut-être faudrait-il, dans un premier temps, porter notre regard sur les pratiques d’autres médecines, asiatiques, africaines, qui pourraient devenir sources d’inspiration.

De nouveaux traitements adaptés aux nécessités du présent et du futur
Munis de ces informations, la seconde étape consisterait à explorer des savoirs anciens de l’Europe. Ils détiennent des richesses inemployées. On y trouverait, de plus, les éléments de base pour l’élaboration de nouvelles formules, de nouveaux traitements adaptés aux nécessités du présent et du futur.
Les flores médicinales d’Europe offraient une large variété, des régions nordiques aux zones méditerranéennes. On peut aisément imaginer l’ampleur de la moisson qui serait réalisée dans l’ensemble des pays.

Une idée répandue en Europe, selon laquelle une maladie se soigne avec une plante, est inexacte et à rejeter. Elle témoigne seulement de la méconnaissance profonde de la complexité des pratiques traditionnelles. C’est ainsi que les médecines asiatiques et africaines associent jusqu’à douze plantes, et même davantage, et que les modes de préparation varient selon les maladies à traiter.
A titre d’exemples, tuberculoses, hépatites et autres affections virales bénéficient de remarquables traitements. Pourquoi en Europe ne pas rechercher un tel objectif qui, une fois atteint, permettrait l’abandon des thérapies moléculaires ?
Une armée redoutable plutôt qu’un combat singulier
Les traitements antiinfectieux des médecines ancestrales, venues d’un lointain passé, exercent encore de nos jours leur action bénéfique, ce qui atteste la non-émergence de souches résistantes. Comment expliquer la pérennité de ces traitements et l’action éphémère et dangereuse des thérapies moléculaires ? Une vision imagée peut rendre compte des différences observées. Au cours des thérapies moléculaires, micro-organismes et molécules s’affrontent en un combat singulier. La majorité des germes sont terrassés mais un petit nombre d’entre eux, par des mécanismes biochimiques subtils, sortent victorieux du combat et donneront les souches résistantes puis multirésistantes.
Dans le cas des thérapies traditionnelles, les agents pathogènes subissent l’attaque d’une armée redoutable, formée de la multitude des principes bénéfiques apportés par les médications complexes. Si certains microorganismes parviennent à résister à l’un de ces principes, d’autres arriveront en renfort pour les neutraliser. Telle est du moins une interprétation logique de la non-émergence de souches résistantes attestée par l’efficacité pérenne des traitements venus du passé. De plus, les plantes médicinales, par leurs vertus polyvalentes, ajoutent des effets complétant l’action anti-infectieuse : l’organisme est tonifié, les signes et désordres sont maîtrisés.
La médecine de demain : des thérapies non polluantes
L’objectif pour les pays occidentaux serait d’élaborer, à partir de leurs flores médicinales, des thérapies de même valeur et d’efficacité constante au fil du temps. Les plantes antibactériennes, antimycobactériennes et antivirales offrent une large gamme de possibilités.
Des équipes de réflexion et d’action devraient se constituer afin de préparer la médecine de demain, avec des thérapies non polluantes qui respecteraient l’eau, source de vie, et n’amplifieraient pas « l’environnement pathogène » qui entoure les humains. Une première initiative dans ce sens ouvre déjà un chemin très prometteur.
En conclusion, les thérapies moléculaires qui, dans le domaine infectieux, ont montré leurs méfaits, devraient s’effacer devant les thérapies naturelles, gages de santé pour les humains et la planéte.
Dr Yvette Parès
Professeur à l’Université de Dakar de 1960 à 1992
Dr ès-sciences
Dr en médecine
Directrice du centre de recherches biologiques sur la lèpre de 1975 à 1992
Directrice de l’Hôpital traditionnel de Keur Massar (Sénégal) de 1980 à 2003

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