L’évolution thérapeutique du paludisme : une vision pour l’avenir

Il s’agit du titre d’un ouvrage de Mme Y. Parès qui n’a pas été édité. Se basant sur toute sa culture scientifique et son expérience, Mme Parès expose l’historique du paludisme et de son évolution thérapeutique, différentes réflexions et, surtout, elle nous propose des remèdes à base de plantes de l’Europe selon le modèle appris avec son maître peul. Voici des extraits de ce livre.
Il m’a semblé qu’une comparaison entre les thérapies antipalustres anciennes et actuelles permettrait de dégager une autre vision concernant la lutte antipaludéenne et pourrait conduire à des initiatives concrètes et bénéfiques.
Depuis les temps les plus lointains, le paludisme sévit dans le monde. Les ouvrages médicaux anciens d’Asie et d’Europe décrivent les fièvres intermittentes avec leurs accès aux rythmes prévisibles.
De nos jours, quatre continents lui paient un lourd tribut. L’Europe, au cours du XIXè siècle, en était fortement éprouvée au niveau des zones marécageuses : tourbières, rizières et le long des cours d’eau. Les cas observés actuellement relèvent de séjours en zones d’endémie.
Le paludisme n’a cessé d’être un fléau redoutable. Il l’est devenu plus encore après les initiatives thérapeutiques qui ont marqué la seconde moitié du XXe siècle.

L’évolution de la thérapeutique en Europe


Au cours des siècles, l’Europe a connu les assauts du paludisme. De la mer Baltique aux rivages méditerranéens, de l’Atlantique à l’immense Russie, tous les pays dans leurs zones humides ont affronté le fléau qui sévissait chaque année en fièvres intermittentes, printanières et automnales.
Dans toutes ces régions, les savoirs populaires, les connaissances des guérisseurs et guérisseuses des campagnes, l’art des médecins leur opposaient des traitements à partir des flores médicinales de leur environnement. Au XVIIè siècle, un grand tournant se dessine avec l’introduction en Europe du quinquina, l’écorce du Pérou de la pharmacopée amérindienne. Les préparations à base de cette écorce ont alors été considérées comme les remèdes majeurs des accès palustres. Mais le quinquina, venu d’un pays lointain, à certaines époques devenait rare et d’un prix exorbitant. D’autre part, le coût normal, plus modéré, le rendait cependant inaccessible aux populations pauvres des campagnes. Disposer de succédanés devenait indispensable. Des médecins de grand bon sens estimaient aussi que chaque pays devait trouver, dans sa propre flore médicinale, les moyens de soigner les patients.

Feuilles de quinquina


Des événements importants marquent la fin du XIXe siècle : la découverte des parasites sanguins, responsables du paludisme, la mise en évidence d’un cycle vital complexe et le rôle des moustiques comme agent vecteur. Parallèlement, l’essor toujours plus intense de la chimie s’oriente vers les produits pharmaceutiques et les antipaludéens de synthèse. L’histoire du paludisme en sera bouleversée.

Réflexions sur les principes actifs

Etudier la composition chimique des plantes médicinales permet de connaître la richesse de leurs constituants et de les classer dans les familles auxquelles ils appartiennent : alcaloïdes, hétérosides, flavonoïdes, anthocyanes, tannins, terpènes, etc. Cette démarche satisfait l’esprit analytique mais n’est en rien essentielle à l’art pharmaceutique et médical. La médecine chinoise, qui dispose de plus de cent mille formules, et les médecines des autres continents avec leur vaste patrimoine thérapeutique le démontrent.
La grande erreur, initiée au XIXe siècle, a été l’extraction du « principe actif », le constituant principal, support de l’activité majeure de la plante que l’on pourrait doser, manipuler avec précision et dont on pourrait déterminer le mode d’action. Ainsi serait éliminé l’« empirisme », terme péjoratif qui méconnaît les réalités profondes mais constamment usité par l’esprit scientifique.
Cet isolement arbitraire arrache le principe actif à ses accompagnants et on rejette en même temps les capacités complémentaires de la plante médicinale. Selon la médecine chinoise, il représente l’empereur mais, privé de ses ministres, les constituants qui lui sont liés et règlent son action, il n’a plus qu’un pouvoir incomplet, déréglé, souvent brutal et à l’origine d’effets indésirables.
Rappelons ce paradoxe, la nécessité d’ajouter du tannin au sulfate de quinine et à la gentianine, pour obtenir un effet maximum.
Malgré l’observation de ces anomalies, l’hérésie persiste jusqu’à nos jours. Elle a coupé la médecine occidentale de ses racines, de la nature et elle contribue, par ailleurs, à la dévastation des flores médicinales à travers le monde.
La plante constitue un tout harmonieux. Pourquoi la soumettre à des traitements barbares, à des manipulations chimiques, coûteuses et polluantes, pour en extraire un seul constituant, avec toutes les incomplétudes, tous les défauts qui le caractérisent.
L’isolement des principes actifs a été aussi le point de départ de ce qui deviendra ultérieurement des « thérapies moléculaires », en particulier dans les domaines infectieux et parasitaire. Cette démarche portait en germe les désastres que connaîtra la seconde moitié du XXe siècle, les résistances des micro-organismes qui pèsent lourdement sur l’avenir.
La disparition du paludisme en Europe a mis un terme à l’utilisation des principes actifs extraits des plantes antipalustres. Si leur utilisation avait persisté, il est hors de doute que les Plasmodium auraient donné des souches rebelles à leur action.
On ne peut que souhaiter le retour à un usage respectueux des plantes et de leurs vertus polyvalentes. Il s’effectuerait dans une simplicité exigeant en même temps un large savoir. Les médecines traditionnelles en sont des exemples très vivants, elles auraient beaucoup à nous apprendre pour remédier aux erreurs du XXe siècle.

Les thérapies anciennes

Un long parcours au fil des siècles et dans la nature a permis de découvrir la grande diversité des traitements mis en œuvre en Europe pour combattre les fièvres paludéennes. Certains d’entre eux, comportant le suc de plantes fraîches, ne pouvaient s’appliquer qu’en zone rurale mais beaucoup d’autres modes de préparation simples convenaient en tous lieux. Ces informations venues du passé, loin d’être périmées, constituent une base sur laquelle pourraient se concevoir des thérapies naturelles adaptées aux réalités de notre époque.
L’élaboration de « cocktails » efficaces tenant compte des observations de nos prédécesseurs apporterait un renouveau à la lutte antipaludéenne. L’art pharmaceutique et médical retrouverait son âme et un véritable esprit de service. Ainsi serait repoussée la marchandisation de la santé. Cette voie est possible. Il nous appartiendrait de nous y engager et de la concrétiser. Des modèles sont proposés plus loin.

Les antipaludéens de synthèse

Après un périple fécond, au contact des richesses de la nature, l’entrée dans le XXe siècle, ère du « tout-chimie », offre pour le paludisme un contraste saisissant. On pénètre dans un désert aride où sont tapis de nombreux dangers qui vont conduire à l’explosion de l’endémie et à l’impasse thérapeutique que la science et la médecine officielle se révèlent impuissantes à surmonter.
Les laboratoires pharmaceutiques ont synthétisé un nombre restreint de molécules antipalustres. L’arrivée de ces produits fut saluée comme un grand tournant dans la lutte contre le paludisme. Prêts à l’emploi, ils pouvaient être largement diffusés dans les zones où régnait l’endémie qui serait, sinon éradiquée, du moins maîtrisée. Mais une faille ignorée existait : la capacité d’adaptation des Plasmodium face à l’adversité.

Réflexions sur les antipaludéens de synthèse

Les antipaludéens élaborés sur des bases défectueuses n’ont pas atteint l’objectif qui était visé.

  •  Les chimistes, dans un esprit très rationnel, recherchaient des molécules d’action bien ciblée : détruire les parasites selon des modalités parfaitement élucidées. Mais ce raisonnement reposait sur des notions scientifiques incomplètes. On ignorait à l’époque les phénomènes de résistance des hématozoaires : certains d’entre eux, loin d’être maîtrisés, sortaient victorieux du combat et donnaient naissance à des souches plus virulentes qui se répandaient à travers le monde.
  •  L’esprit scientifique, très réducteur, n’a considéré que le duo molécule-Plasmodium en oubliant une réalité essentielle : l’organisme humain qui pouvait présenter, lui aussi, des zones vulnérables où le produit exercerait une action nocive. C’est ainsi qu’apparaissent les effets indésirables, de gravité variable et même causes de décès. Ils viennent encore majorer pour le patient l’inconfort des accès palustres.
  •  L’efficacité très éphémère des molécules antipalustres contraste avec la pérennité d’action des plantes médicinales prescrites autrefois en Europe contre les fièvres intermittentes. Rappelons l’exemple de la camomille. Recommandée par Hippocrate, elle conserve, après deux millénaires, cette précieuse indication.
  •  Les données scientifiques concernant les antipaludéens sont nombreuses : familles chimiques, formules moléculaires, modalités de l’attaque par action sur les membranes des parasites érythocytaires ou inhibiteurs d’enzyme. Ces données, satisfaisantes pour l’esprit, font supposer un grand savoir. En réalité, elles ne sont qu’illusion trompeuse, qui diminue la force du constat d’échec thérapeutique. D’autre part, elles inhibent les sentiments de modestie qui rendraient possibles des approches salvatrices : un pas en avant vers les autres savoirs et un retour au savoir ancien de l’Europe.
  •  La science n’est pas indispensable à l’art médical. Cette évidence n’a été que trop oubliée. Nos prédécesseurs, ainsi que les praticiens de toutes les médecines traditionnelles des zones impaludées, n’ayant pour se guider que les signes cliniques, ont mis au point des traitements bénéfiques et sans danger. Par quelles voies mystérieuses y sont-ils parvenus ? Il n’y a pas de traitements « empiriques » mais seulement des traitements efficaces ou inefficaces.
  •  La prescription des antipaludéens de synthèse concerne l’accès fébrile mais aucune précision n’est donnée concernant l’intermission, les complications et les traitements de consolidation. Ces notions étaient au contraire largement prises en compte par les thérapies anciennes.
  •  La synthèse des antipaludéens implique des recherches laborieuses, coûteuses et de surcroît, polluantes par les réactifs utilisés et les résidus des réactions rejetés à l’extérieur. Ces longues manipulations n’ont abouti qu’à des molécules sans avenir et qui ont transformé paludisme, fléau plurimillénaire préoccupant, en un fléau redoutable dont le caractère meurtrier s’est fortement accentué. La médecine officielle a voulu supplanter tous les traitements appliqués traditionnellement dans les zones d’endémie. Ils ont continué de subsister dans l’ombre, sauvant des vies humaines. Leur mobilisation généralisée permettrait de remédier aux conséquences des erreurs commises au long du XXe siècle.

Propositions thérapeutiques

L’Europe, au début du XXe siècle, a vu s’éteindre le paludisme. Il semblerait donc que des propositions thérapeutiques n’auraient plus de raisons d’être mais ce serait oublier les voyageurs qui, chaque année après un séjour dans les zones d’endémie, reviennent contaminés par des souches de Plasmodium résistantes ou multirésistantes. La gravité des accès les conduit dans les hôpitaux ou les services de médecine tropicale. Malgré les soins qui leur sont prodigués, des décès sont enregistrés.
D’autres thérapies ne pourraient-elles sauver des vies humaines ? C’est dans cette optique qu’ont été élaborées diverses formules. Elles reposent sur deux bases :

  •  les succès thérapeutiques obtenus par nos prédécesseurs, Cazin et les autres médecins cités, avec les plantes antipalustres majeures et d’autres qui avaient maitrisé des fièvres intermittentes rebelles au sulfate de quinine.
  •  l’expérience acquise en médecine traditionnelle au Sénégal où l’art pharmaceutique est associé à une grande maîtrise des plantes synergiques et complémentaires.

D’autres thérapies ne pourraient-elles sauver des vies humaines ? C’est dans cette optique qu’ont été élaborées diverses formules. Elles reposent sur deux bases :
 les succès thérapeutiques obtenus par nos prédécesseurs, Cazin et les autres médecins cités, avec les plantes antipalustres majeures et d’autres qui avaient maitrisé des fièvres intermittentes rebelles au sulfate de quinine.
 l’expérience acquise en médecine traditionnelle au Sénégal où l’art pharmaceutique est associé à une grande maîtrise des plantes synergiques et complémentaires.

Les formules proposées se voudraient une alternative aux antipaludéens pour les accès résistants avec un atout supplémentaire, l’absence d’effets indésirables. Elles correspondent à plusieurs types :

  • Décoctions – Infusions – Macérations (DIM)
  •  Eaux miraculeuses
  •  Huiles essentielles
  •  Vins médicinaux

Le présent ouvrage repose sur les connaissances anciennes de l’Europe et sur une longue expérience menée au Sénégal en médecine traditionnelle africaine. Il voudrait apporter matière à réflexion pour une lutte différente contre le paludisme à travers le monde. Il voudrait aussi contribuer à porter secours aux patients européens qui reviennent gravement impaludés après un séjour dans les zones d’endémie. Des formules ont été proposées prenant appui sur les connaissances de nos prédécesseurs, le Dr Cazin et les médecins dont il a mentionné les succès thérapeutiques contre les fièvres intermittentes.