TEXTES ET ENTRETIENS

Les plantes, une nouvelle espérance pour la santé de demain

PAR DJIBRIL BÂ, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL HÔPITAL TRADITIONNEL DE KEUR MASSAR

Jamais, dans l’histoire, l’humanitĂ© n’a Ă©tĂ© aussi interpelĂ©e par les questions de sa propre survie sur Terre. Quel rĂŽle les plantes sont-elles appelĂ©es Ă  jouer dans cette pĂ©rennitĂ© de la vie ? Lisez les rĂ©ponses de Djibril BĂą, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’HĂŽpital Traditionnel de Keur Massar, extraites de son intervention au colloque Denis Guichard, le 22 octobre 2011.

Pourquoi les microbes dĂ©laissent-ils leurs hĂŽtes naturels pour s’attaquer Ă  l’homme ? Pourquoi, par exemple, le virus du sida, hĂŽte naturel du singe, a-t-il Ă©prouvĂ© le besoin de venir habiter le corps humain ? Pourquoi les microbes sont-ils devenus plus mĂ©chants, plus que de raison, Ă  notre Ă©gard ? Pourquoi les mĂ©dicaments censĂ©s guĂ©rir rendent-ils plutĂŽt malades ? Pourquoi le milieu hospitalier aseptisĂ© est-il devenu un rĂ©servoir de microbes ?

Quelle est la cause de ces nouvelles maladies ?

Sortir de notre torpeur

Nous nous demandons si ces questions ne constituent pas une invite Ă  sortir de la torpeur dans laquelle nous a prĂ©cipitĂ©s l’essor fulgurant de la rĂ©ussite, l’écho retentissant du succĂšs de la mĂ©decine dite moderne, une torpeur charriant un sentiment lĂ©nifiant de sĂ©curitĂ© et de confort qui est un un leurre ! Car la mĂ©thodologie de cette mĂ©decine prĂ©figurait bien une course sur les toits, qui devait nĂ©cessairement prendre fin, de grĂ© ou de force. En effet, saurait-il y avoir une issue heureuse Ă  cette dĂ©marche qui consistait d’abord Ă  isoler les principes actifs des plantes, puis Ă  en faire des copies artificielles ?

Il est tout aussi permis de nous demander si les personnalitĂ©s qui nous interpellent ici ne nous demandent pas tout simplement de nous rĂ©concilier avec la nature
 D’autres personnalitĂ©s, en face d’elles, avaient, elles aussi, choisi de faire Ɠuvre de pionniers. Ces personnalitĂ©s ont lancĂ© des expĂ©riences concrĂštes qui attestent leurs qualitĂ©s de visionnaires, sans Ă©quivoque aujourd’hui.Nous citerons parmi celles-lĂ  feue le Professeur Yvette ParĂšs qui fut au dĂ©part d’un challenge unique sans doute au monde avec la fondation de l’HĂŽpital Traditionnel de Keur Massar au SĂ©nĂ©gal. C’était une entreprise tĂ©mĂ©raire car il s’agissait de braver la loi qui interdisait, sur le plan officiel tout au moins, la pratique de la mĂ©decine traditionnelle, pour sauver le maximum de personnes Ă  la marge du systĂšme sanitaire officiel
 mais aussi une Ɠuvre oĂč la plante en tant que totum vĂ©gĂ©tal retrouvait toute sa noblesse. Toujours au titre de ces expĂ©riences concrĂštes, nous pouvons Ă©galement citer l’association française Jardin du Monde

Ces expĂ©riences militent en faveur de la rĂ©conciliation de l’homme avec la nature, donc avec les plantes. Simple question de bon sens, peut-ĂȘtre
 En effet, l’homme a, au cours des siĂšcles, su trouver auprĂšs de Dame Nature, voisine gĂ©nĂ©reuse et profuse, des ressources pour concevoir les produits les plus divers, tant du point de vue de leur forme que de leur destination, pour prendre en charge ses prĂ©occupations en matiĂšre de santĂ©.

Et nous ne devons pas oublier que, trÚs fréquemment, ce patrimoine épouse largement les contours de son ancienne alimentation au vu de la coïncidence entre plantes comestibles et plantes médicinales.

Les plantes en pole position

En quoi les plantes constituent-elles une nouvelle espĂ©rance pour la santĂ© de demain ? Est-ce Ă  dire que l’humanitĂ© en est arrivĂ©e Ă  oublier la richesse inouĂŻe que les gĂ©nĂ©rations d’hommes et de femmes ont constituĂ©e au fil de leur compagnonnage avec les plantes et dans la nature ? Comment se fait-il que l’on ait oubliĂ© Ă  ce point notre dĂ©pendance atavique et multisĂ©culaire vis-Ă -vis des plantes quant Ă  notre nourriture, notre vĂȘtement, notre habitat et notre santĂ© ?

Si les plantes ont cessĂ©, dans certaines parties du monde, d’ĂȘtre un fondement d’espĂ©rance de santĂ© pour rester le seul recours dans d’autres contrĂ©es, ce n’est assurĂ©ment pas la faute de la seule mĂ©decine dite moderne, si on devait lui imputer une parcelle de responsabilité 

La faute en incombe au premier chef Ă  l’homme. Car l’histoire nous enseigne nombre de fois oĂč nous autres hommes, par notre comportement orgueilleux et Ă©gocentrique nous nous sommes mis dans une fĂącheuse position de provoquer la nature et donc le Seigneur, notre MaĂźtre et celui de la nature, aussi.

Il ne peut s’agir d’une dĂ©couverte des bienfaits des plantes en matiĂšre de santĂ©, mais tout au plus d’une redĂ©couverte. Ou d’un appel ayant pour objectif l’enrichissement des pratiques et approches traditionnelles fondĂ©es sur les savoirs anciens concernant les plantes, savoirs dĂ©veloppĂ©s au sein de communautĂ©s diversifiĂ©es, en s’inspirant du progrĂšs scientifique et technique pour promouvoir des phyto-mĂ©dicaments ou pour concevoir de nouveaux produits pharmaceutiques. Ou mieux encore, le sceau d’une nouvelle relation entre ce que l’on a coutume de dĂ©signer par ethnobotanique et la recherche scientifique et technique


Toujours est-il que les plantes retrouvent leur pole position ; les succĂšs dont elles sont crĂ©ditĂ©es dans les traitements de plusieurs pathologies ne se comptent plus. Tout se passe de nos jours comme si l’homme redĂ©couvrait les plantes. Et il est trĂšs heureux de pouvoir mettre ce nouvel engouement pour les plantes en corrĂ©lation avec les nouveaux appels pour une alimentation saine, une agriculture bio et un mode de vie plus proche de la nature. Cette corrĂ©lation est trĂšs importante. Notre monde est Ă  un carrefour de son Ă©volution. La raison commande de changer d’optique.

La santé, une réalité multiforme

Un fait mĂ©rite d’ĂȘtre rappelĂ©. La mĂ©decine dite moderne nous a valu beaucoup de victoires sur les maladies, victoires qui ont permis de sauver nombre de vies humaines. Une erreur serait, lĂ  encore, de ne privilĂ©gier que les propriĂ©tĂ©s mĂ©dicinales des plantes. Car les plantes ne sont qu’un Ă©lĂ©ment d’un tout qui forme l’Univers et leurs propriĂ©tĂ©s mĂ©dicinales ne sont qu’un des aspects de leur nature, de leur utilitĂ©. Un Tout composĂ© de diverses parties contribuant chacune de façon unique Ă  l’équilibre du monde tel que nous l’avons du moins reçu des gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes, et non pas tel que nous l’avons changĂ© aujourd’hui Ă  notre grande dĂ©solation, au point de nous Ă©mouvoir de la situation dans laquelle nous la transmettrons aux gĂ©nĂ©rations futures.

En effet, les plantes, Ă  elles seules, peuvent-elles relever les dĂ©fis actuels en matiĂšre de santĂ© ? La santĂ© est plutĂŽt une rĂ©alitĂ© multiforme. Et comment concilier la localisation limitĂ©e gĂ©ographiquement des plantes avec la globalisation des pathologies ? DĂ©jĂ , nous en voyons les rĂ©sultats effrayants induits par leur surexploitation dans certains pays oĂč l’écrasante majoritĂ© des populations n’a pas accĂšs, gĂ©ographiquement ou financiĂšrement, aux structures sanitaires modernes, et encore moins aux mĂ©dicaments dits essentiels et ne recourent de ce fait qu’à la phytothĂ©rapie traditionnelle.

Il s’agit plutĂŽt, Ă  notre humble avis, d’ĂȘtre davantage conscient des Ă©quilibres de la nature et d’essayer de restaurer ceux que nous avons rompus, sciemment ou non. Cela ne nous empĂȘche pas de nous demander si la nature a vraiment besoin de notre aide
 elle qui fut créée par le Seigneur au soir du troisiĂšme jour, cependant que l’homme ne le fut qu’au bout du sixiĂšme jour


Pour notre part, les plantes resteront tant qu’elles existeront un recours de premier choix contre les maladies de l’homme. Encore faut-il qu’il se donne les moyens de conserver sa santĂ© en minimisant les risques de la perdre. Sans doute faut-il privilĂ©gier le prĂ©ventif au curatif dans le cadre d’une nouvelle approche thĂ©rapeutique qui donne la mĂȘme importance au corps qu’à l’ñme. Car le corps n’est-il pas le messager de l’ñme ?

Or la meilleure des prĂ©ventions rĂ©side dans une vie saine, dans un mode vie plus conforme Ă  la nature. Veiller davantage sur ce que l’on mange, sur ce que l’on boit, sur ce qu’on respire, sur tout ce qui concourt Ă  la vie
 non pas seulement des ĂȘtres humains, mais de l’univers


Bref, si nous voulons que les plantes puissent jouer pleinement leur rĂŽle et ĂȘtre prĂ©sentes Ă  chaque appel de la nĂ©cessitĂ©, il faudrait bien qu’elles se retrouvent, dans tous les sens du terme, dans nos corps, les corps des hommes !

Entretien avec Walfadjri

Entretien avec le docteur Yvette ParĂšs – 18/06/2003

Le malade du sida qui arrive Ă  Keur Massar avec de nombreuses maladies opportunistes, prĂȘt Ă  rendre l’Ăąme, n’en guĂ©rira pas. Le Dr Yvette ParĂšs est formelle : la mĂ©decine traditionnelle ne permet d’arrĂȘter la maladie et la faire reculer que si le malade arrive assez tĂŽt Ă  son hĂŽpital de la banlieue dakaroise. Mais, prĂ©vient-elle dans l’entretien qu’elle nous a accordĂ©, la maladie Ă©tant due Ă  un rĂ©trovirus qui peut se cacher longtemps, il faut poursuivre le traitement pendant plusieurs annĂ©es.

Wal Fadjri : Pourquoi avez-vous ouvert l’hĂŽpital de Keur Massar ?

Dr Yvette ParĂšs : Pour deux raisons. La premiĂšre est une raison scientifique. J’Ă©tais professeur Ă  l’universitĂ© de Dakar, mais aussi directrice du Centre de recherches biologiques sur la lĂšpre. Deux de mes travaux ont abouti Ă  la culture du bacille de Hansen, un germe trĂšs rĂ©calcitrant qui avait rĂ©sistĂ© Ă  tous les essais de culture de nos devanciers depuis cent ans. Nous avons eu la grande chance d’y arriver. Une fois la culture obtenue, il devenait possible d’effectuer des antibiogrammes et de rechercher ainsi la valeur des plantes anti-lĂ©preuses des pharmacopĂ©es africaines. Les rĂ©sultats de ces antibiogrammes ont montrĂ© que les plantes rĂ©putĂ©es majeures Ă©taient bonnes pour combattre le bacille de la lĂšpre.

L’autre raison est Ă©thique. Lorsqu’on Ă©tait constamment en contact avec les malades lĂ©preux pendant des annĂ©es, on pouvait constater que, malgrĂ© la chimiothĂ©rapie, les sulfanes, les sulfamides-retard prescrits et reçus pendant de nombreuses annĂ©es, les malades, au lieu de s’amĂ©liorer, Ă©taient toujours en Ă©tat plus lamentable.

J’ai constatĂ© qu’ils portaient des ulcĂ©rations. C’Ă©taient des paralysĂ©s, ils avaient des maux perforants plantaires, des ophtalmies
 Bref, un grand nombre d’infirmitĂ©s qui leur rendaient la vie trĂšs pĂ©nible. Ils souffraient de toutes sortes de douleurs, en particulier les nĂ©vrites. Et un jour, j’ai pensĂ© qu’on ne pouvait pas les laisser dans cet Ă©tat, qu’il fallait essayer de faire quelque chose. Ce qui n’Ă©tait pas facile. En rĂ©flĂ©chissant, j’ai pensĂ© aux thĂ©rapeutes africains qui sont rĂ©putĂ©s dans le traitement de la lĂšpre. Mais il y avait un obstacle : la mĂ©decine africaine appartient Ă  l’Afrique et est transmise de pĂšre en fils ou d’oncle Ă  neveu, ou bien d’un maĂźtre Ă  un Ă©tranger qui en fait la demande et qui est digne d’ĂȘtre enseignĂ©. Mais toujours entre Africains. Or, j’Ă©tais europĂ©enne, en plus docteur en mĂ©decine moderne. Ce qui n’arrangeait pas les choses. Mais, dans mon service Ă  l’universitĂ©, il y avait un homme de grande valeur morale : YĂ©ro BĂą, le pĂšre de Djibril BĂą

(ce dernier nous a servi de guide lors de notre visite Ă  l’hĂŽpital de Keur Massar, Ndlr). Je m’en suis ouverte Ă  lui, en lui faisant part de mon souhait de rencontrer des thĂ©rapeutes. Il n’a pas rĂ©pondu tout de suite. Mais sans faire de bruit, comme tous les Peuls qui sont trĂšs discrets, il a fait des dĂ©marches. Et quelques semaines plus tard, il m’annonce qu’un thĂ©rapeute trĂšs ĂągĂ©, Dady Diallo, qui avait 88 ans, acceptait de me rencontrer. Pas encore de m’enseigner, mais de me rencontrer. Quand le maĂźtre est venu Ă  l’universitĂ©, en mars 1979, notre entrevue a Ă©tĂ© assez Ă©prouvante. Il Ă©tait trĂšs intimidant. Avec des yeux qui vous transperçaient au point qu’on se demandait s’il ne lisait pas jusqu’au fond de votre Ăąme. Finalement, il m’a accordĂ© sa confiance. Mais c’est neuf mois plus tard (en fin dĂ©cembre) qu’il est revenu pour dire qu’il allait m’enseigner. Mais que ce n’Ă©tait pas un enseignement de bureau. Trois jours plus tard, Ă  5 h du matin, nous sommes allĂ©s en brousse pour commencer la rĂ©colte des plantes anti-lĂ©preuses. Les premiĂšres qu’il allait me montrer. Quand nous sommes partis, il faisait encore nuit. Et nous avons travaillĂ© jusqu’Ă  14 h sans manger ni boire, sans parler. Oui, les taalibe suivent une discipline rigoureuse. Et, quand bien mĂȘme j’Ă©tais Ă  l’Ă©poque professeur Ă  l’universitĂ©, docteur Ăšs sciences, docteur en mĂ©decine, je n’Ă©tais Ă  ses yeux qu’un taalibe. Je n’avais qu’Ă  suivre la discipline ou alors me retirer. C’Ă©tait l’un ou l’autre. J’avais confiance en Dady Diallo. Nous sommes sortis trĂšs souvent en brousse et avons rĂ©coltĂ© beaucoup de plantes que nous avions fait sĂ©cher. Un jour, il m’a dit que nous allions prĂ©parer les premiers mĂ©dicaments du traitement de la lĂšpre. Il y avait des mĂ©dicaments, pas compliquĂ©s Ă  faire, mais nombreux. C’Ă©taient des traitements du dĂ©but de la lĂšpre. Parce que ce n’est pas comme en mĂ©decine occidentale oĂč l’on donne les sulfanes, les sulfamides retard et puis c’est fini. Non, il y a d’abord le traitement prĂ©paratoire, ensuite deux traitements qui redonnent du tonus, un peu de forces. Puis, il y a le traitement de fond qui se rĂ©alise en plusieurs Ă©tapes. On change les associations de plantes Ă  peu prĂšs tous les six mois. Et il y a le traitement final et le traitement anti-rechute. Ce traitement comporte les plantes antibactĂ©riennes, anti-microbactĂ©riennes, mais Ă©galement, on associe des plantes pour les diffĂ©rentes lĂ©sions. Des plantes qui empĂȘchent les paresthĂ©sies, les sensations de brĂ»lure, d’autres qui prĂ©viennent les mutilations, et d’autres encore qui amĂ©liorent les lĂ©sions osseuses, nerveuses, etc.

En plus, les traitements externes contre les ulcĂ©rations, les ƓdĂšmes, les maux perforants plantaires. Donc, rien que le traitement de la lĂšpre exigeait un temps trĂšs long pour, non pas le maĂźtriser (parce qu’il est trĂšs compliquĂ©) mais dĂ©jĂ  pour savoir bien le manier, et rendre de grands services aux malades. La mĂ©decine africaine, je l’abordais donc par l’une des maladies les plus graves, les plus difficiles Ă  traiter. Et j’ai dĂ©couvert une thĂ©rapeutique qui m’a Ă©merveillĂ©e. Jamais je n’avais imaginĂ© que le traitement de la lĂšpre en mĂ©decine africaine puisse ĂȘtre aussi Ă©laborĂ©e, aussi complexe et aussi efficace. Parce qu’il faut dire que nos patients, aprĂšs avoir Ă©tĂ© traitĂ©s pendant un temps suffisamment long (nous avions des malades trĂšs avancĂ©s dans leur maladie) avaient fini par reprendre un visage humain, une allure humaine et beaucoup d’entre eux ne prĂ©sentent plus de sĂ©quelles. Ils ont pu, pour certains, exercer des professions trĂšs valorisantes. Les autres ont retrouvĂ© leur mĂ©tier de cultivateurs, de pĂȘcheurs, d’artistes, de faiseurs de pots de fleurs ou tous les petits mĂ©tiers qui peuvent ĂȘtre exercĂ©s. Alors que normalement, ils Ă©taient devenus des loques humaines. Mais aprĂšs le traitement, ils ne sont plus rejetĂ©s par la sociĂ©tĂ©. Ils Ă©taient redevenus trĂšs convenables d’aspect. Avec un beau boubou, on ne saura pas qu’ils avaient eu une maladie.

Nous avons aussi soignĂ© des enfants. La lĂšpre dĂ©butante chez les enfants se soigne quand mĂȘme beaucoup plus vite que celle avancĂ©e pour les adultes. Il y a des traitements particuliers pour les enfants. Autre chose de capital : pour les enfants nĂ©s de parents lĂ©preux, qui sont dĂ©jĂ  contaminĂ©s dĂšs la naissance, il y a des traitements prĂ©ventifs. Ainsi, ceux qui sont faibles et qui dĂ©velopperaient la maladie ne le feront pas, et pour ceux qui ne l’avaient pas dĂ©veloppĂ©e, parce qu’ayant un caractĂšre plus fort, un terrain meilleur, le traitement protecteur est tonique et vermifuge en mĂȘme temps. Donc, ils n’ont que bĂ©nĂ©fice Ă  le prendre. Pour la lĂšpre, nous avons soignĂ© et guĂ©ri, je ne sais combien de centaines de maux perforants plantaires, cette infirmitĂ© trĂšs handicapante. Ce que la mĂ©decine moderne ne sait pas faire.

Wal Fadjri : Quand avez-vous évolué de la lÚpre aux autres maladies dans le traitement par les plantes ?

Dr Yvette ParĂšs : De 1980 Ă  1984, nous n’avons fait que la lĂšpre. Mais il y avait des malades des environs qui venaient nous demander de soigner toutes les maladies. A leur arrivĂ©e, il n’y avait pas de structures pour les accueillir. Il fallait s’abriter dans la nature. Ce qui n’Ă©tait pas une solution. Il y avait beaucoup de demandes, et avec l’aide d’une Ɠuvre charitable, on a pu ouvrir une case de consultations externes d’abord, puis une salle d’accueil, une petite pharmacie et une salle d’attente. On a commencĂ©, en 1984, Ă  traiter toutes les maladies qui se prĂ©sentaient. En 1985, il y a eu ici une journĂ©e mĂ©dicale (il y avait, tous les deux ans, les JournĂ©es mĂ©dicales de Dakar) et nos adversaires avaient choisi comme sujet la lĂšpre. C’Ă©tait tout Ă  fait extravagant, extraordinaire. Mais c’Ă©tait avec un but bien dĂ©fini : on devait condamner notre travail. Mais il y a eu, grĂące aux journalistes, un renversement de situation. Et au lieu de venir fermer notre hĂŽpital comme c’Ă©tait l’enjeu, il y a eu un scandale provoquĂ© par les journalistes, comme l’a dit le ministre. Toutes les chaĂźnes de radio, de tĂ©lĂ©vision qui Ă©taient prĂ©sentes au congrĂšs sont venues ici. J’Ă©tais morte de peur quand je les ai vu arriver. Mais cela a fait un tel bruit au SĂ©nĂ©gal que, quelques jours aprĂšs, on a eu une arrivĂ©e de malades tellement grande que, du matin au soir, on n’arrĂȘtait pas. Les thĂ©rapeutes n’avaient mĂȘme pas le temps de prendre le moindre repos. Et nos rĂ©serves de plantes qui Ă©taient grandes, avaient fini par s’Ă©puiser. Finalement, on s’est organisĂ©.

Entre-temps, Abdoulaye Faty Ă©tait arrivĂ©. Puis MaguĂšye Ngom. Ensuite, en 1985, c’Ă©tait Ahmet Diaw. En 1986, Amady Sylla a complĂ©tĂ© notre groupe. Tous de trĂšs grands savants. On n’aurait pas pu faire un hĂŽpital de mĂ©decine traditionnelle avec des thĂ©rapeutes de niveau moyen. Il nous fallait vraiment de grands maĂźtres pour pouvoir dĂ©marrer et prouver que la mĂ©decine africaine Ă©tait une mĂ©decine Ă  part entiĂšre qui pouvait soigner les maladies les plus graves, y compris celles oĂč la mĂ©decine moderne n’apportait pas de solutions. En particulier, les hĂ©patites, la drĂ©panocytose qui est trĂšs rĂ©pandue et d’autres.

Wal Fadjri : Qu’est-ce qui a motivĂ© cette adversitĂ© ?

Dr Yvette ParĂšs : C’Ă©taient des annĂ©es trĂšs dures. On peut comprendre que notre initiative Ă©tait trop en avance sur les mentalitĂ©s de l’Ă©poque oĂč l’on avait inculquĂ© Ă  tout le monde, en Afrique comme en Europe, qu’il n’y avait qu’une seule mĂ©decine valable, celle moderne. Qu’elle Ă©tait capable de tout faire, qu’elle Ă©tait la meilleure, la championne. Je dois avouer que je l’ai cru moi-mĂȘme, quand j’Ă©tais jeune mĂ©decin, alors que nous ne pensions qu’Ă  sauver les malades. Mais d’un cĂŽtĂ©, les uns (les EuropĂ©ens) ont dĂ» penser que nous allions dĂ©faire l’Ɠuvre de la colonisation, et de l’autre cĂŽtĂ©, les Africains croyaient que nous allions les faire retourner Ă  un Ă©tat de « non-civilisation », de « sauvagerie ». Alors qu’en rĂ©alitĂ©, on montrait seulement qu’il y avait, dans l’intĂ©rĂȘt des malades, la nĂ©cessitĂ© de s’orienter vers les savoirs qui apporteront des solutions. Nous n’Ă©tions contre personne. Nous n’avions avec YĂ©ro BĂą et les thĂ©rapeutes, qu’une seule envie : sauver les malades par les meilleurs moyens possibles. Si la mĂ©decine pouvait le faire, qu’elle le fasse. Mais comme elle ne pouvait pas le faire, il fallait demander le renfort d’un autre savoir. C’Ă©tait aussi simple que ça.

Wal Fadjri : Ne menaciez-vous pas, Ă  un certain moment, les intĂ©rĂȘts des mĂ©decins et pharmaciens modernes ?

Dr Yvette ParĂšs : Nous, les mĂ©decins modernes – je me mets dedans parce que je l’ai Ă©tĂ© pendant un moment – nous pensions que nous Ă©tions les plus grands, les plus beaux, les plus forts. Et pour les mĂ©decins africains, acquĂ©rir le savoir des Occidentaux Ă©tait une telle promotion que cela les rendait peut-ĂȘtre un peu vaniteux. Et ils ne voulaient pas perdre leur pouvoir. Et puis, ils Ă©taient peut-ĂȘtre persuadĂ©s que c’Ă©tait retourner en arriĂšre que d’aller vers le savoir de personnes qui, dit-on, Ă©taient analphabĂštes et illettrĂ©es. Mais j’ai dit et rĂ©pĂ©tĂ© bien souvent : on peut ne pas avoir appris Ă  lire et Ă  Ă©crire, mais ĂȘtre un trĂšs grand savant et un trĂšs grand sage. Alors qu’on peut ĂȘtre bardĂ© de diplĂŽmes universitaires et n’ĂȘtre qu’un personnage mĂ©diocre. Il y avait aussi une concurrence qui jouait. Ils ne voulaient pas que d’autres aient autant de pouvoirs thĂ©rapeutiques. Et puis, il y avait l’orgueil des anciens maĂźtres du pays. Tout ça, c’est le passĂ©. Il vaut mieux tourner la page et essayer maintenant de regarder l’avenir. L’avenir, ce serait que les deux mĂ©tiers collaborent. On m’a demandĂ© oĂč Ă©tait l’obstacle, j’ai dit que d’obstacle, normalement, il ne devrait pas y en avoir. Parce que, si des deux cĂŽtĂ©s, on se regarde avec respect, amicalement, cordialement, je ne vois pas oĂč est le problĂšme. Il n’y a pas de problĂšme Ă  Ă©changer les savoirs. Que chacun soit raisonnable. Les thĂ©rapeutes, eux, sont raisonnables. Ils ne disent jamais de mal de la mĂ©decine moderne. Ils disent simplement Ă  chacun de faire ce qu’il connaĂźt et travaille en paix. Tandis que de l’autre cĂŽtĂ©, il y a constamment des attaques contre « ces illettrĂ©s, ces analphabĂštes, ces gens qui ne savent rien  ». Alors qu’en rĂ©alitĂ©, ce sont les savants d’Afrique.

Wal Fadjri : Des maladies contemporaines comme les Mst et le sida, ĂȘtes-vous parvenus Ă  vaincre cette derniĂšre pandĂ©mie ?

Dr Yvette ParĂšs : Lorsqu’on traite un malade atteint du virus du sida, il faut qu’il soit Ă  un stade encore rĂ©versible. S’il arrive avec de nombreuses maladies opportunistes, prĂȘt Ă  rendre l’Ăąme, nous ne pouvons que le soulager. Mais s’il vient assez tĂŽt, des traitements peuvent arrĂȘter la maladie et la faire reculer, jusqu’Ă  ce qu’il retrouve un Ă©tat de bien-ĂȘtre et se sente « guĂ©ri ». Mais la maladie Ă©tant due Ă  un rĂ©trovirus qui peut se cacher longtemps, il faut poursuivre le traitement pendant plusieurs annĂ©es. On ne dira que le malade est vraiment guĂ©rissable que, d’une part, s’il redevient sĂ©ronĂ©gatif – et c’est dĂ©jĂ  arrivĂ© – et si, d’autre part, il est toujours en vie et en forme au bout de vingt ou quarante ans. Il nous faut le recul du temps pour affirmer qu’il y a une guĂ©rison sĂ»re. Mais, a priori, pourquoi cette maladie ne guĂ©rirait-elle pas ? On nous a mis dans la tĂȘte qu’elle est inguĂ©rissable, que tous les malades vont aller vers des maladies opportunistes. Je dis non. Si on traite le malade suffisamment tĂŽt, il n’aura pas de maladies opportunistes. La maladie sera stoppĂ©e et il retrouvera un Ă©tat de grand bien-ĂȘtre. De l’extĂ©rieur, on vous chante des chansons qui vous troublent l’esprit. Que la maladie est inguĂ©rissable, qu’il n’y avait que l’Azt. C’est un grand mensonge. L’Azt est trĂšs toxique et n’a guĂ©ri personne. Au contraire, il donne des accidents secondaires. Maintenant, on nous chante la trithĂ©rapie. OĂč en sommes-nous avec elle ? Mais elle n’a jamais guĂ©ri personne. Il faut mettre tout ça dans la tĂȘte de tout le monde. A Paris, on meurt du sida. Pourtant, dans les hĂŽpitaux parisiens, il y a de la trithĂ©rapie. Elle est trĂšs coĂ»teuse, trĂšs pĂ©nible Ă  prendre et donne des accidents secondaires graves. Dans certains cas, elle peut prolonger un peu une vie dĂ©jĂ  misĂ©rable. Mais dans d’autres, cette vie est courte. Par des accidents cardiaques ou des dĂ©pressions suicidaires. Chez certains malades, elle provoque un trouble dans le mĂ©tabolisme de l’Ă©piderme. Le malade grossit de certaines parties du corps ; il devient difforme ; il ne se trouve pas beau et arrĂȘte le traitement. LĂ , il va y avoir la mort automatique. Le virus va muter, donc la trithĂ©rapie n’agira plus.

Les grandes avancĂ©es thĂ©rapeutiques, oĂč sont-elles ? OĂč sont les malades guĂ©ris ? OĂč sont ceux qui vont mieux ? Regardez les malades sous trithĂ©rapie Ă  la tĂ©lĂ©vision. Ils ont tous le visage trĂšs triste, des airs vraiment fatiguĂ©s. Alors, pourquoi dire des mensonges ? On a comme perdu le sens critique, Ă  force d’entendre dire l’Oms par-ci, l’Oms par-lĂ . L’Oms a un rĂŽle Ă  jouer, un rĂŽle de sentinelle, pour dire qu’il y a le danger ici et lĂ . Mais elle n’a pas le droit de dire qu’il n’y a pas de traitement. Il n’y a pas de traitement dans la mĂ©decine qu’elle gĂšre, celle moderne. Mais il peut y avoir des traitements ailleurs. Et il y a des traitements en Afrique, en Asie. Peut-ĂȘtre en AmĂ©rique latine, avec les thĂ©rapeutes indiens et autres. Je n’en sais rien, lĂ  je n’affirme pas.

Wal Fadjri : MalgrĂ© vos rĂ©sultats positifs, vous dites ĂȘtre combattus par les pouvoirs publics et les mĂ©decins. Mais les malades qui sont libres d’aller se soigner lĂ  oĂč ils veulent, pourquoi ne viennent-ils pas ?

Dr Yvette ParĂšs : Les malades, Ă  force de s’entendre rĂ©pĂ©ter que la maladie est inguĂ©rissable, ne croient plus Ă  rien. On les a dĂ©jĂ  tuĂ©s rien que par ces paroles. Quand on dit Ă  un malade « tu vas mourir, il n’y a rien Ă  faire », il est dĂ©jĂ  mort. Il n’a plus aucune force pour se mobiliser et essayer de s’en sortir. Il est dĂ©jĂ  condamnĂ©. Ensuite, on a tellement dit que la mĂ©decine moderne Ă©tait la seule valable qu’ils croient que si elle n’a rien, personne n’a rien. Aussi le malade a-t-il honte de son Ă©tat et se cache. Il a peur qu’on le voit trop souvent venir un peu ici ou lĂ . Il y a tout un conditionnement mental qui vient des affirmations de l’Oms, de celles de mĂ©decins. Des malades du sida, il y en a qui sont venus. Ceux qui ont de fortes personnalitĂ©s, qui ont rĂ©ussi Ă  surmonter tous ces handicaps.

Wal Fadjri : Vous avez dĂ©marrĂ© sans moyens. Maintenant, oĂč en ĂȘtes-vous en termes de moyens ?

Dr Yvette ParĂšs : Nous avons eu la chance d’avoir des Ɠuvres caritatives qui nous ont aidĂ©s, malgrĂ© les attaques et les rapports qui leur disaient de ne pas nous aider. Ça a Ă©tĂ© trĂšs dur. Mais maintenant, nous en avons assez de toujours tendre la main, et nous voudrions arriver Ă  subvenir Ă  nos besoins. Et puis, si nous devons participer Ă  de grandes luttes contre le sida, le paludisme rĂ©sistant, le diabĂšte, les hĂ©patites, il faut une aide officielle. Il faut une organisation officielle, des projets de conventions de partenariat. Nous n’allons pas prendre sur nos Ă©paules, qui ne sont pas grandes, la santĂ© de tout un pays. Il faut qu’il y ait, le plus vite possible, une collaboration amicale, cordiale.

Wal Fadjri : Vous disiez que les virus du paludisme, du sida
 mutent et s’adaptent Ă  certains mĂ©dicaments, surtout s’ils sont mal ou pas traitĂ©s. Etes-vous parvenus Ă  prĂ©venir cela Ă  chaque fois ?

Dr Yvette ParĂšs : Nos mĂ©dicaments, ce ne sont pas des molĂ©cules chimiques isolĂ©es. Il y a de trĂšs nombreux principes antiviraux dans nos prĂ©parations, puisqu’il y a de nombreuses plantes antivirales. Si certains virus qui mutent Ă©chappent Ă  tel traitement, ils vont ĂȘtre attaquĂ©s par d’autres principes qui sont dans les vĂ©gĂ©taux. Il y a un tel cocktail qu’on ne les rate pas. On n’utilise pas un seul type de balle, mais une mitraille venant de tous les cĂŽtĂ©s. C’est une comparaison que tout le monde peut comprendre. Ce serait donc Ă©trange qu’on en Ă©chappe. Comme on peut changer les plantes, on n’est pas obligĂ© de mettre toujours les mĂȘmes prĂ©parations. Si, pour le paludisme, on est arrivĂ© Ă  des catastrophes, c’est parce que la mĂ©decine officielle avait optĂ© pour la chimiothĂ©rapie (nivaquine, flavoquine, chloroquine
). On a mis un seul type de molĂ©cule contre les hĂ©matozoaires et certains ont Ă©chappĂ© et sont devenus rĂ©sistants. La chimiothĂ©rapie est devenue impuissante. La faute Ă  qui ? A cette institution internationale qui a imposĂ© les mĂȘmes traitements dans le monde entier, si bien que le paludisme rĂ©sistant est partout. Il va tuer beaucoup de monde. Il faut donc appeler les mĂ©decines traditionnelles africaines, asiatiques et autres dans les combats pour la santĂ©. Elles ont un rĂŽle Ă©minent Ă  jouer.

Wal Fadjri : Pensez-vous déjà faire quelque chose pour le traitement de la pneumonie atypique ?

Dr Yvette ParĂšs : On va essayer de faire quelque chose comme on a fait pour le sida. Pour le sida, on n’avait rien. Mais on a essayĂ© de se remuer et d’inventer, de mettre au point des formules.

Par : Propos recueillis par Demba SilĂšye DIA

DrĂ©panocytoses, Ă©pilepsies, paralysies, diabĂšte… Plusieurs centaines de maladies traitĂ©es – 20/06/2003

En plus de la lĂšpre qui aura fait sa rĂ©putation, on traite et guĂ©rit aussi, Ă  l’hĂŽpital traditionnel de Keur Masser, des drĂ©panocytoses, des Ă©pilepsies, des paralysies, du diabĂšte, de la stĂ©rilité  A l’hĂŽpital traditionnel de Keur Massar, l’on soigne et guĂ©rit presque toutes les maladies. MĂȘme celles pour lesquelles la mĂ©decine moderne n’a que des calmants. A la section « Consultations externes », un tableau rĂ©pertorie plusieurs centaines de maladies traitĂ©es et guĂ©ries dans ce centre, comme les drĂ©panocytoses, les Ă©pilepsies, les paralysies, le diabĂšte, la stĂ©rilité  Dans une des cases, Jean-Michel BourĂ© Diouf, qui travaille ici depuis 1982, enregistre les consultĂ©s. En face de lui, est accrochĂ© un diplĂŽme. C’est le prix de la Fondation de France et de la Fondation Denis Guichard, remis le 12 dĂ©cembre 2002 Ă  l’initiatrice du centre, le professeur Yvette ParĂšs (une dame qui frĂŽle allĂšgrement les 80 ans). Sur ce parchemin, sont inscrits ces mots : « Depuis 1980, la Fondation Denis Guichard (
) prime chaque annĂ©e une personne pour son action en faveur de la dĂ©fense de la nature, de la santĂ© et de la vie. Cette annĂ©e (2002, Ndlr) le prix de la Fondation Denis Guichard est remis au professeur Yvette ParĂšs, docteur Ăšs sciences, docteur en mĂ©decine, professeur Ă  l’universitĂ© de Dakar, directrice du Centre de recherches biologiques sur la lĂšpre, par son Ɠuvre en faveur des mĂ©decines traditionnelles afin que soit reconnue la place qui est la leur dans le combat pour la santĂ©. » A cĂŽtĂ©, on remarque la case de consultations Dady Diallo, « mon maĂźtre qui a vĂ©cu 102 ans. C’est le premier thĂ©rapeute que j’ai connu », selon le Pr ParĂšs. Puis, il y a eu Abdoulaye Faty (qui est dĂ©cĂ©dĂ© l’annĂ©e derniĂšre), Ahmed Diaw, Hamady DiĂ©w, MaguĂšye Ngom. A un moment, dans l’hĂŽpital, il y avait trois Haal-Pulaar, un SĂ©rĂšre et un Mandingue. « Il y a une annĂ©e au cours de laquelle nous avons accueilli jusqu’Ă  275 lĂ©preux. Sans aide, tout en ayant tout le monde contre nous », ajoute Mme ParĂšs. Sur les photos, l’on distingue les images de visites d’officiels, de ministres, d’ambassadeurs, de recteurs d’universitĂ© et de chefs religieux.

Par : Demba SilĂšye DIA

PrĂ©sentation des produits : Comment amĂ©liorer le contenant – 20/06/2003

Les pommades et les sirops sont prĂ©sentĂ©s dans des bouteilles et des bocaux, tandis que les poudres sont dans des sachets. Ce qui provoque quelques petits pincements au cƓur du docteur Mamadou Oumar Dia. Ce pharmacien industriel est un passionnĂ© Ă  la phytothĂ©rapie qui collabore avec Mme ParĂšs afin d’apporter une touche moderne Ă  la formulation galĂ©nique (la prĂ©sentation des produits) pour rĂ©pondre Ă  des impĂ©ratifs de marketing. Le Dr Dia souhaiterait que « ces poudres et autres soient mises sous forme de gĂ©lules, Ă©lixirs
, afin d’amĂ©liorer les caractĂšres organoleptiques (goĂ»t, odeur, etc.). Il faut qu’on amĂ©liore la prĂ©sentation de ces mĂ©dicaments. On doit travailler activement dessus avec les guĂ©risseurs traditionnels ». Il s’agit de dĂ©velopper une synergie entre l’approche empirique du Dr ParĂšs et celle moderne, afin de faire accepter plus facilement les mĂ©dicaments Ă  la majoritĂ© des patients. Pour cela, indique le Dr Dia, il faut dĂ©velopper quatre des cinq « P » du marketing : le produit lui-mĂȘme dont on doit amĂ©liorer la qualitĂ© et le conditionnement, les prix qu’il faut rendre compĂ©titifs, une publicitĂ© adĂ©quate Ă  mener et une promotion Ă  appliquer. Il faut rappeler que la 1re annĂ©e de la facultĂ© de MĂ©decine accueille, chaque annĂ©e, trois cents Ă©tudiants. Et les six meilleurs d’entre eux sont toujours choisis pour ĂȘtre orientĂ©s en pharmacie industrielle.

Par : D. S. DIA

La santĂ© par les plantes : Quatre-vingts produits pour soigner le sida – 22/06/2003

La mĂ©decine par les plantes a toujours permis de soulager l’homme. Mais depuis une soixantaine d’annĂ©es, elle est combattue sans rĂ©pit par la mĂ©decine moderne. Pourtant, cette derniĂšre commence dĂ©jĂ  Ă  s’essouffler, alors que sa devanciĂšre garde toujours ses vertus.

« Pour lutter contre la pandĂ©mie du sida, un effort de coordination Ă©tendu Ă  tous les savoirs mĂ©dicaux de la planĂšte » doit ĂȘtre fait, indiquait Boutros-Boutros Ghali, le 1er dĂ©cembre 1992, au siĂšge des Nations-Unies Ă  New-York. Cette assertion, le docteur Yvette ParĂšs de l’hĂŽpital traditionnel de Keur Massar l’a faite sienne. Rien que pour le traitement du sida, on trouve en cet endroit situĂ© Ă  Keur Massar, prĂšs de vingt-quatre produits allant des dĂ©coctions complexes aux produits Ă  usage externe, en passant par les mĂ©langes de poudres. Il en est de mĂȘme pour les diverses hĂ©patites, la tuberculose, le paludisme, etc. PrĂ©sentant sa structure en dĂ©cembre 1999, le Pr ParĂšs indique que, « depuis l’aube des temps, les humains ont toujours fait appel aux plantes pour soulager les maux et rĂ©tablir leur santĂ©.

Ainsi, sont nĂ©es les nombreuses mĂ©decines traditionnelles qui ont traversĂ© les millĂ©naires, transmettant et accumulant les connaissances parvenues jusqu’Ă  nos jours en vaste patrimoine thĂ©rapeutique. Dans ce long cheminement de l’humanitĂ©, il n’apparaĂźt qu’une exception, la mĂ©decine moderne nĂ©e en Europe, il y a soixante ans. Ses activitĂ©s reposent sur des armes qui commencent dĂ©jĂ  Ă  s’Ă©mousser. Les antibiotiques, trĂšs efficaces Ă  leur dĂ©but, s’avĂšrent de plus en plus inopĂ©rants. Les substances chimiques dĂ©voilent leurs effets secondaires souvent trĂšs graves. Cette mĂ©decine rĂ©cente sera bientĂŽt contrainte de demander le secours des plantes mĂ©dicinales pour traiter ses patients. Il apparaĂźt que la santĂ© par les plantes ne pourra ĂȘtre contournĂ©e ». Mais, c’est pour ajouter, en se demandant si les ressources vĂ©gĂ©tales seront suffisantes pour faire face Ă  tous les besoins sanitaires.

Se limitant Ă  la situation au SĂ©nĂ©gal, le document rĂ©digĂ© par Mme ParĂšs indique que les tradipraticiens ont manifestĂ© leur inquiĂ©tude. Ils se demandent si, dans quinze ou vingt ans, il n’y aura pas une grave pĂ©nurie empĂȘchant l’exercice normal de la mĂ©decine traditionnelle. Ils ont alors lancĂ© un cri d’alarme Ă  propos des sĂ©cheresses pĂ©riodiques, les rĂ©coltes qui se font sans respect des plantes et de l’avenir, le pillage de certaines espĂšces pour des exportations si bien qu’elles sont en voie de disparition, les feux de brousse et les dĂ©frichements, l’insuffisance du reboisement des arbres mĂ©dicinaux. A cela, il faut ajouter d’autres facteurs prĂ©occupants comme l’augmentation des malades graves qui nĂ©cessitent des traitements de longue durĂ©e, l’accroissement des affections dites de civilisation (diabĂšte, hypertension) les cas trĂšs nombreux de paludisme en pĂ©riode d’hivernage, la croissance dĂ©mographique qui entraĂźne une plus grande potentialitĂ© de malades. Ce qui fait dire qu’il est urgent de chercher des remĂšdes Ă  ce mal.

Parmi les solutions proposĂ©es, une Ă©troite collaboration avec le monde rural et le service des Eaux et ForĂȘts « qui ont un trĂšs grand rĂŽle Ă  jouer pour la santĂ© des gĂ©nĂ©rations actuelles et futures ». Les plantes mĂ©dicinales se rĂ©partissant en herbes, arbustes et arbres, des cultures de plantes herbacĂ©es pourraient ĂȘtre rĂ©alisĂ©es dans les villages. Mais pour prĂ©server les vertus mĂ©dicinales de ces plantes, leur culture exclut l’emploi d’engrais et de pesticides. La culture biologique de cĂ©rĂ©ales telles que le riz, le mil, le maĂŻs, coton
 serait aussi trĂšs apprĂ©ciĂ©e. Les arbustes ne sont pas difficiles Ă  multiplier. Les arbres, eux, relĂšvent spĂ©cialement du service des Eaux et ForĂȘts. C’est pourquoi les programmes de reboisement devront prendre en compte les arbres mĂ©dicinaux. Pour certaines plantules qui entrent dans les soins des enfants, il est nĂ©cessaire de faire des pĂ©piniĂšres naturelles. Mais il y a aussi les dĂ©rivĂ©s des vĂ©gĂ©taux, comme le miel, qui est utilisĂ© dans un grand nombre de prĂ©parations, et qui doit ĂȘtre maintenu Ă  l’Ă©tat pur.

Mme ParĂšs dĂ©gage des perspectives Ă  moyen terme. Selon elle, « les besoins sanitaires toujours plus grands donnent Ă  penser que, dans un avenir pas trop lointain, il y aurait nĂ©cessitĂ© de crĂ©ation d’une pharmacie centrale d’approvisionnement en mĂ©dicaments traditionnels prĂ©parĂ©s sous la surveillance de thĂ©rapeutes de haut niveau. DĂšs lors, les cultures de plantes herbacĂ©es, arbustes, plantules et l’exploitation soigneusement rĂ©glementĂ©e des forĂȘts d’arbres mĂ©dicinaux trouveraient de larges dĂ©bouchĂ©s ».

Par : Demba SilĂšye DIA

Du centre de soins a l’hĂŽpital : La lĂšpre dans le rĂ©troviseur et le sida en ligne de mire – 22/06/2003

De sa naissance Ă  sa consĂ©cration, beaucoup de chemin a Ă©tĂ© parcouru. Et il aura Ă©tĂ© parsemĂ© d’embĂ»ches. Mais les obstacles ont su ĂȘtre surmontĂ©s. L’hĂŽpital traditionnel de Keur Massar, structure de mĂ©decine africaine, n’Ă©tait au dĂ©part, en 1980, qu’un modeste centre de soins anti-lĂ©preux ouvert dans une maison vĂ©tuste, au cƓur de la brousse.

Trois facteurs ont prĂ©sidĂ© Ă  la crĂ©ation de ce centre : les rĂ©sultats de longues recherches scientifiques (1969-1979) menĂ©es au Centre de recherches biologiques sur la lĂšpre avec l’obtention de la culture de la mycrobactĂ©rie lĂ©preuse et la mise en Ă©vidence du pouvoir antibiotique de diverses plantes du SĂ©nĂ©gal utilisĂ©es dans le traitement de cette maladie. Il s’y ajoute l’Ă©tat des lĂ©preux recevant, depuis des annĂ©es, la chimiothĂ©rapie, qui montrait la nĂ©cessitĂ© d’une autre approche thĂ©rapeutique et la rencontre dĂ©cisive avec des spĂ©cialistes de la maladie.

« Cette initiative trop en avance sur les mentalitĂ©s de l’Ă©poque allait susciter beaucoup d’opposition », selon la directrice Yvette ParĂšs qui ajoute que, malgrĂ© tous ces obstacles, le centre poursuivit son chemin et son dĂ©veloppement avec le soutien de diverses Ɠuvres caritatives. Quatre thĂ©rapeutes de trĂšs haut niveau viendront Ă©largir l’Ă©quipe mĂ©dicale. C’est ainsi que, de 1980 Ă  1984, le centre ne se limitera qu’au traitement de la lĂšpre. Plus de deux cents patients adultes et adolescents seront traitĂ©s. Mais, de 1983 Ă  1987, les soins ont Ă©tĂ© Ă©tendus aux villages de lĂ©preux, avec la crĂ©ation d' »annexes » confiĂ©es Ă  des responsables formĂ©s au centre. En 1984, Ă  la demande des populations environnantes, les consultations externes en mĂ©decine gĂ©nĂ©rale ont Ă©tĂ© ouvertes. L’annĂ©e suivante, le centre de soins prend le nom d’hĂŽpital traditionnel. En 1986, un lieu de traitement a Ă©tĂ© organisĂ© en ville pour les lĂ©preux des rues de Dakar Ă  leur sollicitation. Mais c’est en 1987 que sont venus les premiers patients confrontĂ©s Ă  l’infection au Vih/sida. Les recherches thĂ©rapeutiques dans ce domaine pouvaient alors dĂ©marrer. En 1999, l’hĂŽpital participe au premier congrĂšs international des mĂ©decines traditionnelles et infection au Vih/sida. Mme ParĂšs dirige un atelier intitulĂ© « L’implication des tradipraticiens dans la recherche thĂ©rapeutique pour l’affection Vih/sida ». Puis, c’est la participation Ă  la Fiara. En 2000, les agents de cet hĂŽpital seront accueillis avec succĂšs par la technofoire de Kolda.

L’an 2000 a marquĂ© les vingt ans de l’hĂŽpital, mais entre-temps, le monde a beaucoup changĂ©, notamment avec l’Ă©mergence de nouvelles maladies. C’est pourquoi ses agents tentent de poursuivre leur Ɠuvre afin de rĂ©pondre aux besoins anciens et nouveaux. Si cette structure intervient, sur le plan mĂ©dical, dans la lutte antilĂ©preuse (au niveau des villages de reclassement de Mballing, Sowane et Koutal et chez 200 malades des rues), dans la mĂ©decine gĂ©nĂ©rale et dans la mĂ©decine prĂ©ventive (pour la lĂšpre, la tuberculose et le paludisme), ses opĂ©rations sont diversifiĂ©es sur le plan pharmaceutique. A cĂŽtĂ© des actions de reboisement.

Dans le domaine social, on compte les hospitalisations gratuites pour les malades indigents, l’accueil annuel de 100 Ă  120 enfants venus des villages de lĂ©preux pour divers traitements curatifs et prĂ©ventifs, la scolarisation des enfants dans une Ă©cole de cinq classes reconnue par l’Etat et qui produit de bons rĂ©sultats aux examens, la distribution rĂ©guliĂšre de couvertures, de vĂȘtements au niveau de l’hĂŽpital, des villages de reclassement…

MalgrĂ© les crocs-en-jambe de la mĂ©decine moderne, « ce renouveau a mis en Ă©vidence les grandes potentialitĂ©s du SĂ©nĂ©gal dans le domaine sanitaire et spĂ©cialement pour la lutte contre les redoutables flĂ©aux de notre temps. Le rejet des connaissances du passĂ© sur tous les continents a Ă©tĂ© une grave erreur. Le moment est venu de la rĂ©parer », selon Mme ParĂšs. Et de conclure : « L’hĂŽpital traditionnel de Keur Massar, engagĂ© sur ce chemin, souhaite que se rĂ©alise, un jour, la rencontre de toutes les mĂ©decines du monde, avec leur pleine vitalitĂ©. »

Par : D. S. DIA

Portrait de Madame Yvette ParĂšs : De la science occidentale Ă  la mĂ©decine traditionnelle – 22/06/2003

AprĂšs avoir fait une bonne partie de sa carriĂšre dans les sciences et la mĂ©decine moderne, elle se rend compte que cette derniĂšre n’est pas complĂšte. C’est ainsi qu’elle se tourne vers les tradipraticiens qui lui ont donnĂ© satisfaction. ItinĂ©raire d’une universitaire devenue une rĂ©fĂ©rence dans la mĂ©decine traditionnelle.

La vie du professeur Yvette ParĂšs est marquĂ©e par deux sources de savoir habituellement opposĂ©es : science et tradition. C’est de la rencontre des deux qu’est nĂ© l’hĂŽpital de Keur Massar, « oĂč le patrimoine thĂ©rapeutique de l’Afrique s’est rĂ©vĂ©lĂ© dans toute son immense richesse », selon la prĂ©sentation faite par la Fondation Denis Guichard.

FormĂ©e en biologie et physiologie vĂ©gĂ©tale, Mme ParĂšs Ă©tudie ensuite la microbiologie du sol. Docteur en sciences naturelles, elle enseigne et poursuit ses recherches Ă  l’universitĂ© de Dakar. C’est alors qu’elle dĂ©couvre la clĂ© de la lutte contre la lĂšpre. Auparavant, devenue docteur en 1968, elle s’illustre en 1972, dans une dĂ©couverte scientifique mettant fin Ă  un siĂšcle d’essais infructueux : elle rĂ©ussit, pour la premiĂšre fois, la culture du bacille de la lĂšpre. Alors, par la mĂ©thode des antibiogrammes, elle observe l’efficacitĂ© des plantes anti-lĂ©preuses utilisĂ©es dans la pharmacopĂ©e traditionnelle face Ă  la chimiothĂ©rapie qui n’offre pas de rĂ©sultats probants auprĂšs des malades.

EncouragĂ©e par ces rĂ©sultats, elle va chercher du renfort auprĂšs d’un autre savoir : la mĂ©decine traditionnelle. En 1987, les premiers malades du sida font leur apparition. « Dans ce domaine Ă©galement, la mĂ©decine traditionnelle peut se montrer efficace et ouvrir grand les portes de l’espoir », indique la note de la fondation. « La tĂąche essentielle en ce dĂ©but de troisiĂšme millĂ©naire ne serait-elle pas d’Ɠuvrer pour le rapprochement et la rencontre des mĂ©decines des cinq continents avec l’espoir de faire reculer les flĂ©aux dĂ©jĂ  prĂ©sents et ceux qui montent Ă  l’horizon ? », se demande Mme ParĂšs au bout d’un sĂ©jour de trente-deux ans au SĂ©nĂ©gal, avant d’ajouter, aprĂšs avoir fait une comparaison des mĂ©decines traditionnelle et moderne (comparaison profitant Ă  la premiĂšre) : « Notre souhait le plus profond est que ce tĂ©moignage portĂ© sur la mĂ©decine africaine suscite de nouvelles conceptions et rĂ©alisations pour la santĂ© du monde, en mobilisant les savoirs, les intelligences et les cƓurs dans un vaste mouvement planĂ©taire. Ne serait-ce pas la meilleure des mondialisations ? »

Par : D. S. DIA


Yvette ParĂšs BIOGRAPHIE

FormĂ©e en biologie et physiologie vĂ©gĂ©tale, Yvette PARES a ensuite Ă©tudiĂ© la microbiologie du sol. Docteur en Sciences naturelles, elle va enseigner et poursuivre ses recherches au sein de l’UniversitĂ© de Dakar. C’est Ă  ce moment qu’elle dĂ©couvrira la « clĂ© » de la lutte sans merci qu’elle va livrer contre la LĂšpre.

Devenue docteur en MĂ©decine en 1968, elle va s’illustrer Ă  travers une dĂ©couverte scientifique exceptionnelle. Mettant un terme Ă  un siĂšcle de recherches infructueuses, elle va rĂ©ussir Ă  cultiver le bacille de la LĂšpre.

GrĂące Ă  la mĂ©thode des antibiogrammes, Yvette PARES va constater l’efficacitĂ© des plantes utilisĂ©es contre la LĂšpre dans la pharmacopĂ©e traditionnelle face Ă  la chimiothĂ©rapie qui ne semble pas donner de rĂ©sultats probants.

S’appuyant sur ces rĂ©sultats, elle va dĂ©cider de franchir le pas et de demander le renfort d’un autre Savoir. C’est Dadi DIALLO, thĂ©rapeute peul renommĂ© ĂągĂ© de 88 ans, qui l’acceptera comme disciple. Il lui enseignera les traitements de la LĂšpre et lui fera dĂ©couvrir toutes les dimensions et la richesse de la mĂ©decine traditionnelle Africaine.

Yvette PARES va alors fonder dans la brousse, aux environs de Dakar, un modeste centre de soins de mĂ©decine traditionnelle, futur HĂŽpital Traditionnel de Keur Massar, afin d’y accueillir les malades de la LĂšpre. Plus tard, quatre thĂ©rapeutes de haut niveau vont renforcer l’Ă©quipe mise en place pour faire face Ă  l’affluence de malades atteints de maladies les plus diverses.‚‚« La tĂąche essentielle en ce dĂ©but du troisiĂšme millĂ©naire ne serait-elle pas d’ouvrer pour le rapprochement et la rencontre des mĂ©decines des cinq continents avec l’espoir de faire reculer les flĂ©aux dĂ©jĂ  prĂ©sents et ceux qui montent Ă  l’horizon ? Notre souhait le plus profond est que ce tĂ©moignage portĂ© sur la mĂ©decine Africaine suscite de nouvelles conceptions et rĂ©alisations pour la santĂ© du monde en mobilisant les savoirs, les intelligences et les cours dans un vaste mouvement planĂ©taire. Ne serait-ce pas la meilleures des mondialisations ? »‚Extrait d’une interview du professeur Yvette PARES

INTERVIEW DU PROFESSEUR YVETTE PARES

Par Lucie Hubert le lundi 17 mai 2004 Ă  Paris

QUESTION : Professeur Yvette Pares, vous avez reçu l’annĂ©e derniĂšre le Prix de la Fondation Denis Guichard pour honorer un parcours hors du commun. Pourriez-vous m’en tracer les grandes lignes.

Pr. Yvette ParĂšs : C’est en quelque sorte, par vocation que je suis allĂ©e en Afrique. À l’universitĂ©, je faisais partie d’un groupement d’amitiĂ© internationale, avec des Ă©tudiants africains, marocains, indiens, antillais, espagnols et ces Ă©tudiants m’avaient invitĂ©e Ă  venir travailler chez eux. Mais Ă  l’époque, je ne pensais pas encore Ă  quitter la France. L’Afrique m’attirait, il est vrai mais je ne voulais pas partir sans mĂ©tier vĂ©ritable. J’ai attendu qu’un poste se libĂšre Ă  l’universitĂ© de Dakar pour m’installer au SĂ©nĂ©gal en 1960. J’étais biologiste, je faisais des recherches en biologie vĂ©gĂ©tale mais ce que je prĂ©fĂ©rais Ă  tout Ă©tait la bactĂ©riologie et j’ai fini par y arriver. 

Quand je suis arrivĂ©e Ă  Dakar, le bureau de recherche du BRGM (Bureau de recherches gĂ©ologiques et miniĂšres) cherchait une bactĂ©riologiste pour mener des travaux sur l’extraction de l’or des latĂ©rites trop pauvres pour ĂȘtres traitĂ©s chimiquement et j’ai Ă©tĂ© engagĂ©e immĂ©diatement. J’ai fait des recherches de microbiologie du sol et nous sommes arrivĂ©s Ă  trouver des bactĂ©ries qui dissolvaient l’or, ce qui a suscitĂ© un intĂ©rĂȘt dans le monde entier puisqu’on reçu des demandes venant d’Europe, de l’URSS et mĂȘme de la NASA aux Etatsunis. L’or fait flamber les esprits
  

Ces recherches sur l’or m’ont passionnĂ© et m’ont appris Ă  travailler en grand. Il a fallu faire des essais par centaines, par milliers de flacons, et j’avais une grosse Ă©quipe. Je finis par ĂȘtre rodĂ©e pour gĂ©rer ces multiples expĂ©riences simultanĂ©ment. Mais je restais toujours attirĂ©e par la bactĂ©riologie mĂ©dicale et c’est pourquoi je commençai en 1962 des Ă©tudes de mĂ©decine, Ă©tudes que j’ai terminĂ© en 68. Durant cette Ă©poque, je continuais Ă  superviser les recherches au BRGM et je travaillais jour et nuit. Je ne sais pas comment j’ai tenu le coup, on dit que la foi soulĂšve les montagnes, enfin, je suis arrivĂ©e au bout. 

Un mĂ©decin militaire m’a demandĂ© alors de faire des recherches sur la lĂšpre. Ma thĂšse de mĂ©decine portant sur les mĂ©taux cancĂ©rigĂšnes, je refusais tout d’abord d’autant plus que l’on n’avait pas encore rĂ©ussi Ă  cultiver le bacille de la lĂšpre, donc aucun progrĂšs ne pouvait ĂȘtre fait pour combattre cette maladie. Je n’avais aucune envie de refaire le travail de mes prĂ©dĂ©cesseurs. Mais il insistait en me disant que j’étais en Afrique et que je devais faire un travail d’intĂ©rĂȘt africain. Je finis par l’écouter. Je dĂ©cidais alors de prendre le mal Ă  la racine et d’essayer de cultiver le bacille. Je me donnais 3 ans pour y arriver, faute de quoi j’arrĂȘterais mes recherches. 

J’ai commencĂ© par faire la bibliographie sur la lĂšpre. Durant mes Ă©tudes de mĂ©decine, je n’avais appris que trĂšs peu de chose, sinon rien sur cette maladie et l’on affirmait que les mĂ©dicaments sur le marchĂ© pouvaient la guĂ©rir. Puis je suis passĂ©e a l’action. Il m’a fallu une chambre stĂ©rile pour faire les essais bactĂ©riologiques, les ensemencements, et il m’a fallu aussi trouver du matĂ©riel pathologique. J’avais entendu parler avec grand respect d’une religieuse de Dakar, sƓur LenaĂŻk. Chaque fois qu’un lĂ©preux arrivait Ă  l’hĂŽpital, on l’envoyait Ă  sƓur de LenaĂŻk. Je demande rendez-vous avec elle. C’était une religieuse d’une jeunesse, d’une beautĂ© extraordinaire avec un sourire merveilleux, une bretonne aux yeux bleus. C’est elle qui m’a approvisionnĂ© en matĂ©riel pathologique, en biopsies et en prĂ©lĂšvements sanguins. J’en demandais un minimum par respect pour les malades, mais avec ce que nous avons eu nous avons pu mener nos recherches jusqu’au bout malgrĂ© certaines personnes qui ne voyaient pas d’un bon Ɠil nos recherches. C’est ainsi qu’à un moment donnĂ© sƓur LenaĂŻk reçu l’ordre de son patron, un mĂ©decin gĂ©nĂ©ral, de ne plus me fournir de produits pathologiques. Mais la religieuse estimant que l’ordre donnĂ© Ă©tait injuste dĂ©cida de ne pas s’y soumettre et demanda aux malades s’ils acceptaient de continuer Ă  me fournir du sang ou un bout de peau, ce qu’ils acceptĂšrent. Lorsque son patron partait le soir, elle faisait les prĂ©lĂšvements et envoyait son infirmier m’apporter le matĂ©riel. Le patron n’a jamais rien su. C’est ainsi que j’ai pu mener mon travail jusqu’au bout. S’il n’y avait pas eu cette religieuse qui a tenu tĂȘte Ă  son patron, je n’aurais pas pu continuer mes recherches et Keur Massar n’aurait pas existĂ© 

Et c’est ainsi que grĂące aux connaissances apprises par mes travaux en microbiologie du sol, j’a fini par rĂ©ussir Ă  cultiver le bacille de la lĂšpre.  

J’ai pu alors faire des antibiogrammes et vĂ©rifier l’action des produits chimiques et des plantes anti-lĂ©preuses.  

Mais il y a eu bientĂŽt une levĂ©e de boucliers. Le milieu scientifique est trĂšs dur, vous savez, et il a beaucoup de jalousie entre les chercheurs. Un chercheur amĂ©ricain essayait, lui aussi, de cultiver le bacille de la lĂšpre et il ne voulait pas que j’arrive avant lui. Je subissais une forte pression de la part de quelques laboratoires et centres de recherche. Certains chercheurs m’ont demandĂ© Ă  plusieurs reprises de cĂ©der mes souches pour pouvoir vĂ©rifier si le bacille que j’avais cultivĂ© Ă©tait bien celui de la lĂšpre. Je refusais, leur allĂ©guant que, n’ayant aucune souche de rĂ©fĂ©rence, ils seraient incapables de vĂ©rifier quoique ce soit. Je leur suggĂ©rais que le seul moyen de s’assurer que le bacille Ă©tait bien celui de la lĂšpre Ă©tait de soumettre mes milieux de culture et mes mĂ©thodes Ă  l’expertise de chercheurs de l’Inde, du Japon, de pays oĂč la maladie existe. Je sentais de leur part beaucoup de mauvaise foi, de mauvaise volontĂ© et l’OMS n’a pas voulu reprendre le travail. Mais quand on retire plus de 80 fois la mĂȘme mycobactĂ©rie nouvelle, avec des caractĂšres biochimiques tellement diffĂ©rents des autres, que voulez-vous que ce soit ?  

Question : A t’on finalement reconnu que vous aviez dĂ©couvert le bacille de la lĂšpre ? 

Pr. Y. ParĂšs : L’affaire a Ă©tĂ© Ă©touffĂ©e. À l’époque je croyais aux vaccins et j’espĂ©rais trouver le vaccin pour la lĂšpre. En rĂ©alitĂ©, c’était stupide car les enfants de femmes lĂ©preuses sont dĂ©jĂ  infectĂ©s dans le sein de leur mĂšre, et par la suite, lorsqu’ils sont allaitĂ©s. Dans cet environnement bourrĂ© de microbes, ils sont tous contaminĂ©s mĂȘme s’ils ne dĂ©veloppent pas – tout de suite – la maladie. Mais le vaccin m’apparaissait au dĂ©but comme une voie de sauvetage et je m’attelais Ă  le trouver. Il me fallait tout d’abord breveter mes souches et mon avocate me suggĂ©ra deux endroits, l’Institut Pasteur de Paris et un Institut Ă  Delft, aux PaysBas. L’Institut Pasteur, voulant prendre mes souches sans numĂ©ro ni date de dĂ©pĂŽt, je finis par aller Ă  Delft oĂč je les ai dĂ©posĂ©es. Aujourd’hui, aprĂšs 10 ans, la dĂ©couverte est tombĂ©e dans le domaine public et puis, maintenant qu’il y a le Sida plus personne ne s’intĂ©resse Ă  la lĂšpre. Mais le milieu scientifique est terrible. Laissez- moi vous raconter une histoire : A l’époque, j’avais un Ă©lĂšve pharmacien de l’üle de la RĂ©union que la fac de mĂ©decine m’avait envoyĂ© pour faire une thĂšse chez moi. Je lui demandais de cultiver le bacille sur diffĂ©rents hydrocarbures. Je le cultivais moi-mĂȘme sur l’huile de la paraffine, mais je dĂ©sirais connaĂźtre le support le plus appropriĂ©. Cet Ă©lĂšve Ă©tait parvenu Ă  faire pousser le germe avec du C14 et du C17. SoudoyĂ© par un chercheur canadien de passage Ă  Dakar pour un congrĂšs mĂ©dical, il lui  rĂ©vĂ©la tous nos rĂ©sultats et toutes nos mĂ©thodes de recherche. Peu de temps aprĂšs ce chercheur canadien publiait dans une revue mĂ©dicale de l’Ordre de Malte un article affirmant qu’il avait rĂ©ussi Ă  cultiver le bacille de la lĂšpre sur du C14 et du C17. Lorsque mes collaborateurs dĂ©couvrirent l’article, ils m’en firent part. Voyant que ce chercheur nous avait volĂ© notre travail, j’ai alertĂ© l’OMS, le prĂ©sident de la RĂ©publique du SĂ©nĂ©gal et l’Ambassade de France. On a reconnu que c’était une imposture. Vous voyez jusqu’oĂč ça a Ă©tĂ©. Il y avait le prix Nobel en jeu. J’avais Ă©tĂ© proposĂ©e, mais les AmĂ©ricains le dĂ©siraient. Il m’a fallu trois ans pour dĂ©couvrir le bacille de la lĂšpre. Les recherches que je fis par la suite sur les souches de ce bacille pour essayer de trouver les mĂ©dicaments efficaces dans la lutte contre cette maladie me permirent de constater que certaines plantes anti-lĂ©preuses utilisĂ©es par les thĂ©rapeutes africains Ă©taient rĂ©ellement efficaces. Cela Ă©tait d’une grande importance et m’a ouvert les yeux.

Question : Vous avez donc commencé à vous intéresser aux méthodes employées par les thérapeutes africains?

Pr. Y. ParĂšs : Exactement, cela Ă©tĂ© le premier pas. Mais je n’osais pas encore me tourner vers eux. En tant qu’occidentale, je les associais Ă  des sorciers, j’avais peur de tuer des gens en employant leurs remĂšdes. D’un autre cĂŽtĂ©, je voyais bien que, malgrĂ© l’emploi des mĂ©dicaments chimiques occidentaux, les patients ne guĂ©rissaient pas et se retrouvaient dans un Ă©tat de faiblesse terrible. C’étaient des loques humaines, et partout on les rejetait Ă  cause de leur aspect repoussant. Cela me tourmentait et je me confiais Ă  l’un de mes collaborateurs, le chef jardinier. J’étais alors Ă  la tĂȘte du laboratoire et mes recherches intĂ©ressaient tous ceux qui m’entouraient, ils venaient souvent me rendre visite dans le labo, pour voir oĂč nous en Ă©tions. Cet homme, Yoro Ba, Ă©tait trĂšs intelligent, et il avait un cƓur d’or. Toujours le chapelet Ă  la main, c’était un vrai mystique. Je lui demandais s’il connaissait un thĂ©rapeute africain qui accepterait de m’enseigner. Je rĂ©alisais que je faisais preuve d’une grande insolence en lui demandant cela. Les thĂ©rapeutes africains transmettent leur savoir Ă  leur fils ou Ă  leurs disciples, tous africains. Moi, une EuropĂ©enne, de surcroĂźt mĂ©decin, cela paraissait impossible. Vous savez, c’est dur de rentrer dans la mĂ©decine africaine. N’entre pas qui veut. Pas un Africain ayant fait des Ă©tudes de mĂ©decine occidentale n’a Ă©tĂ© acceptĂ©. D’ailleurs ils n’ont plus l’esprit pour rentrer dans cette mĂ©decine. Dieu m’a donnĂ© une certaine tournure d’esprit qui m’a permis d’ĂȘtre acceptĂ©e par l’un d’eux.

Question : Quelle tournure d’esprit vous a permis d’avoir accĂšs Ă  cette mĂ©decine africaine ?

Pr. Y. ParĂšs : Je me sens trĂšs liĂ©e avec la nature, je sens l’ñme des choses, c’est beaucoup dire bien sĂ»r, mais je ne considĂšre pas les plantes comme de la matiĂšre premiĂšre, ce sont pour moi des amies, quelque chose de vivant, que Dieu a créé et dont je me sens proche. Alors vous me direz les mĂ©decins africains formĂ©s aux universitĂ©s occidentales pourraient aussi avoir cette tournure d’esprit de par leur origine. Mais ils sont devenus cartĂ©siens, ils veulent imiter les Occidentaux, ils se sentent supĂ©rieurs aux thĂ©rapeutes qui ne savent pas lire ni Ă©crire. Ils ont Ă©tĂ© arrachĂ©s Ă  leurs racines, ils renient leur race -je suis sĂ©vĂšre mais c’est la vĂ©ritĂ© -. Et puis il faut savoir que ce n’est pas parce qu’on est mĂ©decin qu’on peut ĂȘtre thĂ©rapeute. Pour ĂȘtre thĂ©rapeute, il faut connaĂźtre et aimer les plantes, possĂ©der un grand sens des responsabilitĂ©s et il faut faire preuve d’une initiative thĂ©rapeutique permanente. Car les thĂ©rapeutes prĂ©parent eux-mĂȘmes leurs mĂ©dicaments, ils les font suivant des recettes codifiĂ©es depuis longtemps, il est vrai, mais ils doivent adapter les traitements aux patients. Pour manier les plantes, les assembler, savoir les prĂ©parer, il faut un sixiĂšme sens. Si on ne l’a pas, on ne peut pas devenir un bon thĂ©rapeute. C’est comme si l’on voulait faire de la musique sans avoir l’oreille musicale, on ne ferait pas de progrĂšs. Donc, en mĂ©decine traditionnelle africaine comme dans n’importe quelle autre discipline, tout le monde n’est pas au sommet. Il y a la base oĂč l’on trouve des gens honnĂȘtes qui savent un certain nombre de choses et rendent de grands services mais plus vous montez la pyramide, plus les thĂ©rapeutes sont savants. Si vous voulez atteindre le sommet- et moi, j’ai travaillĂ© avec ceux qui Ă©taient au sommet-il faut des annĂ©es, parfois plus de 15 ans d’apprentissage. 

Je n’ai pas pu tout apprendre car je n’étais pas toujours disponible, et puis j’ai commencĂ© tard, Ă  plus de cinquante ans. De plus je continuais de travailler Ă  l’universitĂ©. Mais, en toute modestie, je crois avoir atteint un niveau trĂšs honorable. À tel point que les thĂ©rapeutes me considĂšrent comme l’une des leurs. Je n’ai pas la prĂ©tention d’avoir la science de Dadi Diallo, d’Abdoulaye Faty, d’Hamadi Sylla, de Ameth Diaw ou de Magueye Ngom, mes cinq collaborateurs, mais quand il s’agit de faire de la recherche thĂ©rapeutique pour les maladies graves, je peux me joindre Ă  eux et apporter ma part. Donc j’ai beaucoup appris d’eux.

Question : Comment avez-vous rencontre Dadi Diallo, le thérapeute africain qui vous a transmis son savoir ?

Pr.Y. ParĂšs: Lorsque j’ai dit a Yoro Ba, mon chef jardinier, que j’aimerais rencontrer un thĂ©rapeute africain, il se taisait. Vous savez les Peuls sont trĂšs secrets. La parole a une grande importance et l’on ne parle pas pour ne rien dire. Ils peuvent ĂȘtres trĂšs aimables mais ne rien dĂ©voiler de ce qu’ils pensent. Peu de temps aprĂšs, j’appris qu’il Ă©tait en train d’enquĂȘter auprĂšs de thĂ©rapeutes qu’il connaissait. Au bout de quelques mois de recherches souterraines, il me dit qu’il avait rencontrĂ© un thĂ©rapeute de son ethnie, de sa famille, qui acceptait de me rencontrer. C’était un homme trĂšs ĂągĂ© (88 ans) et je proposais d’aller le voir dans son village, mais lui fit savoir qu’il voulait me rencontrer Ă  l’universitĂ©. Yoro Ba est allĂ© le chercher. Je ne savais pas Ă  l’époque que tout Ă©tait secret entre les thĂ©rapeutes et pour lui faire honneur, j’avais fait venir dans mon laboratoire les assistants Peuls du service et ils Ă©taient tous lĂ , assis autour de moi, pas trĂšs Ă  leur aise Ă  attendre le vieux maĂźtre. Celui-ci entra dans la piĂšce, il Ă©tait tout petit, tassĂ© par l’ñge, un maintien droit et il avait des yeux qui vous transperçaient, des sourcils broussailleux et un visage d’une grande sĂ©vĂ©ritĂ©. On sentait une autoritĂ©, une force qui nous paralysaient. J’étais moi-mĂȘme bouleversĂ©e. On lui avait rĂ©servĂ© le meilleur fauteuil. Nous fĂźmes les salutations d’usage, Yoro Ba lui expliqua ce que je dĂ©sirais et lui, rĂ©pondait de temps Ă  autre : « J’ai entendu ». Pas un mot de plus. Et puis quand il a eu assez entendu, il s’est levĂ© et il a dit en Poular : “Je prends congĂ©â€ et il est sorti. Les assistants, tout penauds, se sont dispersĂ©s dans leur labo et moi je me suis assise a mon bureau, interloquĂ©e et persuadĂ©e que je ne lui avais pas fait bonne impression. Yoro Ba m’a racontĂ© par la suite qu’il avait descendu les Ă©tages en sa compagnie et qu’au moment de le quitter, le maĂźtre lui avait dit: “J’apprendrais Ă  Madame Ă  soigner la lĂšpre”. 

C’etait en mars 1979. Dadi Diallo, car c’était son nom, rentra dans son petit village. Les semaines passĂšrent sans aucune nouvelle. Je proposai Ă  Yoro Ba de se rendre chez lui. Yoro Ba prit des cadeaux traditionnels, des noix de cola, du thĂ©, du sucre et il partit dans un village trĂšs loin dans la brousse. Il rencontra le thĂ©rapeute, mais ce qui s’est dit entre eux, je ne l’ai jamais su. En revenant Ă  Dakar, mon chef jardinier me dit ne ne pas me faire de souci, le maĂźtre ne revenait pas sur sa parole. Les semaines passĂšrent, toujours sans aucune nouvelle, et je renvoyais Yoro Ba dans la brousse qui revint comme la premiĂšre fois en me disant de garder patience. Un jour je reçus un inconnu du village qui m’amena un petit paquet contenant une Ă©corce, une racine et un papier mal Ă©crit – certainement par un gamin, le maĂźtre n’écrivant pas lui mĂȘme- oĂč je pus lire :‘pour soigner la lĂšpre’. Je pensais que le vieillard se moquait de nous. Mais 15 jours aprĂšs, je recevais une autre lettre disant : « Je ne peux pas vous apprendre la mĂ©decine de loin, je viens Ă  Dakar ». 

Il est donc venu vers nous et, cette fois ci, il Ă©tait beaucoup plus dĂ©tendu et moins sĂ©vĂšre que la premiĂšre fois. 

Je lui ai louĂ© une maison dans un village tranquille prĂšs de la ville. Quelques jours plus tard je le vis arriver au laboratoire, tout seul. Il s’assit et tira de sa poche une bouteille et un verre qu’il remplit d’un liquide qu’il se mit Ă  boire. Puis il remplit Ă  nouveau le verre et me le tendit. C’était un fortifiant qu’il m’avait prĂ©parĂ© lui-mĂȘme car il avait vu l’état dans lequel j’étais. J’étais en effet trĂšs fatiguĂ©e avec tout le travail que j’avais Ă  l’universitĂ© et les attaques dont j’étais la cible. J’appris par la suite que pour donner confiance Ă  son malade, le thĂ©rapeute commence par boire le mĂ©dicament qu’il a prĂ©parĂ©. Puis il m’a fait porter des racines Ă  faire cuire avec du poulet. En quelques jours j’étais rĂ©tablie et l’on a pu alors commencer Ă  aller en brousse.

Question : Comment les thérapeutes africains enseignent-ils leur art ? Comment se fait la transmission du savoir ?

Pr.Y. ParĂšs : L’enseignement se donne toujours sur le terrain, dans la brousse, devant les plantes. Jamais un thĂ©rapeute ne prendra une plante isolĂ©e, chez lui par exemple, en vous donnant des explications. Non, il vous la montre dans la nature. Une fois qu’on sait la rĂ©colter, il vous en donne les premiĂšres indications, mais il ne dit pas encore comment on la prĂ©pare. En tant qu’élĂšve on Ă©coute et on se tait. On ne prend que ce qu’il dit, sans poser de questions. Quand il juge que vous ĂȘtes mĂ»r, il en dit un peu plus. Bien sĂ»r je prenais des notes, et lui se moquait de moi, du besoin que j’avais d’écrire, car son savoir Ă©tait parlĂ© et il avait lui-mĂȘme une mĂ©moire prodigieuse.   

Les maĂźtres sont durs, trĂšs exigeants. Dadi Diallo m’a emmenĂ© dans les endroits les plus chauds, les plus lointains, nous avons travaillĂ© pendant des heures, sans manger et sans boire, sous un soleil terrible. Et puis la brousse est fatigante, elle me saoulait au dĂ©but. Ce n’est pas comme nos campagnes, nos forĂȘts françaises qui sont apaisantes. AprĂšs la rĂ©colte, il fallait encore Ă©taler les plantes pour les faire sĂ©cher. Ce qui a facilitĂ© les choses, c’était que Dadi Ă©tait trĂšs ĂągĂ©, et mĂȘme si j’avais dĂ©jĂ  plus de 50 ans, il aurait pu ĂȘtre mon pĂšre et cela a facilitĂ© nos rapports. Car si sa sĂ©vĂ©ritĂ© Ă©tait grande, il finit par me considĂ©rer comme sa fille. Et moi, je le considĂ©rais comme un pĂšre et j’avais un grand respect pour lui. 

Quant il s’agit d’hommes jeunes, destinĂ©s Ă  devenir thĂ©rapeutes, les maĂźtres les envoient en pleine nuit dans la brousse pour aller rĂ©colter les plantes. C’est dangereux car il y a des serpents, et puis les Africains pensent qu’il y a des esprits dans les arbres. Il leur faut donc vaincre la peur, la faim et la fatigue. Les maĂźtres les engueulent pour qu’ils apprennent Ă  se maĂźtriser, Ă  ne pas se mettre en colĂšre eux-mĂȘmes. C’est un enseignement trĂšs strict. On demande Ă  un thĂ©rapeute une trĂšs grande maĂźtrise de soi-mĂȘme et un grand sens des responsabilitĂ©s. 

Et puis on lui apprend que faire des mĂ©dicaments, c’est un acte sacrĂ©. On ne peut prĂ©parer un remĂšde que si on a l’ñme en paix. Si vous ĂȘtes en colĂšre ou agitĂ©, il faut attendre d’ĂȘtre calme. Il faut savoir manipuler les plantes et les mĂ©dicaments avec respect et connaĂźtre parfaitement les proportions. C’est comme une religion.  

Un thĂ©rapeute africain ne dit pas : « Je guĂ©ris ». Il dit : « Je soigne mais c’est Dieu qui guĂ©rit. » Son rĂŽle est d’orienter les forces de guĂ©rison.  

Les grands thĂ©rapeutes sont conscients de leur force, mais ils connaissent leur place : « Nous marchons avec Dieu devant nous et c’est pourquoi nous sommes en paix ». 

Et ils ajoutent : « Nous savons ce que nous pouvons faire et ce que nous ne pouvons pas faire. Nous n’attaquons personne et si les docteurs occidentaux sont fĂąchĂ©s c’est qu’ils n’ont pas le cƓur en paix ».

Question : Comment est nĂ© l’hĂŽpital de Keur Massar?

Pr.Y. ParĂšs : Nous sommes allĂ©s ramasser des plantes dans la brousse. J’ai achetĂ© des marmites en Ă©mail et Dadi Diallo est venu nous donner les proportions en eau et en plantes. Nous avons couvert les marmites et nous avons attendu 8 jours comme il nous le demandait. Au bout de 8 jours, j’ai soulevĂ© un des couvercles et j’ai poussĂ© un cri d’effroi. C’était un mĂ©lange de fruits et d’eau et il Ă©tait couvert d’une Ă©paisse couche de moisissure. J’ai criĂ©: « Mais nous allons empoisonner les malades ! »  Il faut savoir que dans mon labo, tout Ă©tait stĂ©rilisĂ©. AprĂšs, j’ai rĂ©flĂ©chi bien sĂ»r et je me suis dit que la pĂ©nicilline Ă©tait aussi une moisissure. 

Quand le medicament a Ă©tĂ© mis en bouteille, Dadi m’a envoyĂ©e chercher des malades. Je lui ai demandĂ© oĂč je devais les trouver et surtout les loger ? Il m’a fait un geste m’indiquant que ce n’était pas son problĂšme.  

J’ai pensĂ© louer une maison. Le prĂ©sident Senghor m’avait donnĂ© un peu d’argent pour mes recherches sur la lĂšpre et j’avais un petit reliquat. Donc avec Yoro Ba, nous avons une maison et nous avons reçu les premiers malades. Dadi a commencĂ© le traitement. Mais les villageois n’ont pas acceptĂ© les lĂ©preux chez eux. Ils ont fini par les chasser avec des pierres, et un jour, nous avons dĂ» Ă©vacuer la maison en vitesse. Une autre maison a connu le mĂȘme sort. Nous avons fini par trouver une cabane dĂ©labrĂ©e en pleine brousse. Et c’est lĂ  que nous nous sommes installĂ©s. VoilĂ  comment a commencĂ© Keur Massar, en juillet 1980. Nos dĂ©buts ont Ă©tĂ© trĂšs difficiles, bien sĂ»r. Il a fallu retaper la maison et puis nos malades Ă©taient insupportables. Les lĂ©preux, c’est dur. Ils n’avaient confiance en personne. C’était la premiĂšre fois qu’ils voyaient des gens capables de les aimer et ils n’arrivaient pas Ă  y croire. Et puis on avait trĂšs peu d’argent. Le ministĂšre de la santĂ© ne nous aidait pas. Il a fallu tenir le coup et l’on a tenu. 

Les malades arrivaient toujours plus nombreux et j’ai dĂ» trouver de l’argent. Un ami reporterphotographe nous a conseillĂ© d’aller solliciter ‘Caritas SĂ©nĂ©gal’. À la tĂȘte de cette organisation il y avait un frĂšre qui venait de recevoir une demande d’Allemagne proposant de subventionner un projet de lĂšpre au SĂ©nĂ©gal. Nous avons fait un rapport et un jour, une dame allemande nous tĂ©lĂ©phone pour nous dire que notre projet est pris en considĂ©ration. J’ai cru qu’elle l’avait classĂ© et que jamais nous ne tiendrions le coup jusqu’Ă  ce que l’argent arrive. Mais 8 jours aprĂšs nous recevions un coup de fil de Caritas SĂ©nĂ©gal nous annonçant que notre projet etait acceptĂ©. Cela a Ă©tĂ© le vrai dĂ©but de Keur Massar. 

Nous avons achetĂ© des matelas mousse, des draps de pagne et des couvertures bon marchĂ©. Les malades couchaient par terre dans des locaux minables. Nous les avons nourris. Certains nous volaient, du riz par exemple qu’ils revendaient dans leur village
..

Question : Comment se fait le traitement de la lĂšpre ?

Le premier jour, il faut purger le malade. La purgation doit ĂȘtre trĂšs forte pour Ă©liminer un maximum de toxines. C’est le maĂźtre qui fait cette purgation qu’il arrĂȘte instantanĂ©ment par un verre d’eau dĂšs qu’il la juge suffisante. Le lendemain il administre les mĂ©dicaments qu’il m’a fait prĂ©parer les jours prĂ©cĂ©dents. GĂ©nĂ©ralement, les malades commencent Ă  se sentir mieux,  ‘le corps lĂ©ger’, comme ils le disent. Par la suite, Dadi Diallo m’a montrĂ© la confection d’un mĂ©dicament qui est une vĂ©ritable panacĂ©e. Il fait bouillir sĂ©parĂ©ment un certain nombre de plantes, certaines 5 minutes, d’autres une heure, d’autres encore plus longtemps. Certaines sont bouillies seules, d’autres ensemble. Une fois qu’on a toutes les dĂ©coctions, on prĂ©pare les mĂ©langes appropriĂ©s, pour traiter en particulier les tuberculoĂŻdes, les lĂ©promateux, etc
.. 

Cela demande une maĂźtrise du savoir et une maĂźtrise de soi mĂȘme. Dadi Diallo me disait que plus une maladie Ă©tait grave, moins il fallait se prĂ©cipiter, et plus il fallait traiter en profondeur. 

Les lĂ©preux sont des malades trĂšs difficiles. De caractĂšre instable, ils viennent se faire soigner mais dĂšs que leur Ă©tat s’amĂ©liore ou que la folie les prend – car ils souffrent de troubles psychiques -, ils partent souvent. Il a fallu que nous Ă©tablissions avec nos malades une vĂ©ritable relation de confiance pour qu’ils restent chez nous. Au dĂ©but ils venaient puis repartaient et on les laissait partir. Puis comme ils ont vu qu’on Ă©tait sĂ©rieux, qu’on les aimait, ils sont restĂ©s jusqu’Ă  guĂ©rir. Et pour certains il a fallu 5 ou 6 ans. Nous les avons gardĂ©s Ă  l’hĂŽpital le temps nĂ©cessaire pour faire toutes les Ă©tapes du traitement. 

Le traitement de la lĂšpre, c’est tout un art ! Il ne suffit pas de tuer les microbes. Le malade arrive avec tout un Ă©ventail de maux, ulcĂ©rations, paralysies, troubles de la sensibilitĂ©, troubles oculaires, etc… Il faut aussi faire de la prĂ©vention des mutilations, amĂ©liorer les lĂ©sions osseuses. On met en jeu non seulement des plantes antibiotiques, mais des plantes qui soignent ces diffĂ©rents types de lĂ©sion.  

Il y a donc un traitement initial, un traitement au long cours qui se fait en plusieurs Ă©tapes, un traitement final et enfin un traitement anti-rechute. 

Un enfant lĂ©preux peut ĂȘtre guĂ©ri rapidement, mais un malade qui a avalĂ© des sulfones pendant 10 ou 15 ans est dans un Ă©tat de dĂ©labrement Ă©pouvantable, et avant de le remettre sur pied et de lui donner un visage humain, il faut du temps.  Aujourd’hui Ă  Keur Massar, nous soignons plus de 250 personnes.

Question : Comment se fait-il que les thĂ©rapeutes africains n’aient pas Ă©tĂ© Ă  mĂȘme de soigner les lĂ©preux, comme vous l’avez fait ? Ou qu’on n’en ai jamais entendu parler ?

Pr. Y. ParĂšs : Mais ils l’ont fait et ils continuent Ă  le faire, dans la brousse, loin de tout. D’autre part, pour accueillir des malades Ă  plus grande Ă©chelle comme nous le faisons, il faut de l’argent. Non seulement pour soigner mais aussi pour loger et nourrir tout ce monde et scolariser les enfants de lĂ©preux, souvent atteints, eux aussi par la maladie ou trĂšs chĂ©tifs.

Question : Comment l’Africain moyen considĂšre-t’il l’a mĂ©decine traditionnelle ?

Pr. Y. ParĂšs : Il y a encore 85 % des gens qui vont voir des thĂ©rapeutes traditionnels, mais on a tendance Ă  l’occulter. On leur a tellement bourrĂ© le crĂąne que ca fait plus chic d’aller Ă  la mĂ©decine ‘moderne’ comme ils l’appellent. Mais ils commencent aujourd’hui Ă  s’apercevoir que cette mĂ©decine moderne  ça ne guĂ©rit pas bien et ça vous donne des maux en plus. Mais voilĂ , avoir recours Ă  la mĂ©decine moderne, c’est faire comme les Blancs donc cela signifie une promotion. C’est ce sentiment d’infĂ©rioritĂ© qu’ont les Africains qu’il faut leur arracher !

Question : Il semble qu’il y ait une antinomie entre mĂ©decine moderne et mĂ©decine traditionnelle. En fait, vous faites un pont entre ces deux univers puisque vous ĂȘtes biologiste et mĂ©decin formĂ©e aux Ă©coles occidentales et vous avez Ă©tĂ© initiĂ©e Ă  la mĂ©decine traditionnelle africaine. Ces deux mĂ©decines peuvent elles communiquer, Ă©changer leurs connaissances. Est ce que l’échange est possible ?

Pr. Y. ParĂšs : Je rĂ©pondrais comme disent les thĂ©rapeutes africains : « Que chacun fasse ce qu’il sait faire et respecte l’autre. » 

Il est trĂšs facile si on a le cƓur honnĂȘte, de travailler ensemble. Un mĂ©decin qui ne peut pas guĂ©rir une hĂ©patite ou une tuberculose rĂ©sistante par ex. peut l’envoyer au thĂ©rapeute qui saura le faire. Un thĂ©rapeute lui, ne peut pas faire de la chirurgie. Il ne peut soigner un accident de la route ou une fracture trĂšs complexe et il enverra un tel cas Ă  l’hĂŽpital. Mais il faut bien rĂ©aliser que la mĂ©decine africaine est une mĂ©decine Ă  part entiĂšre. Ce n’est pas du bricolage comme les gens croient. C’est une mĂ©decine trĂšs efficace. On pense que les thĂ©rapeutes devraient ĂȘtre sous la coupe des mĂ©decins occidentaux. C’est faux. Toutefois, je ne crois pas que l’on doive aller Ă  la rencontre des mĂ©decines traditionnelles pour les promouvoir. Les thĂ©rapeutes en sont capables eux-mĂȘmes, ils commencent Ă  oser s’affirmer. La premiĂšre chose Ă  faire est d’apprendre Ă  se connaĂźtre et s’estimer, Ă  s’accepter en respectant le savoir des uns et des autres. Dans chaque pays, il y a des hommes et des femmes de grande intelligence. Certains, quelque soit leur race, ont le don pour l’art mĂ©dical et ils ont créé une mĂ©decine adaptĂ©e Ă  leur environnement, Ă  leur croyance, Ă  leur culture, Ă  leur spiritualitĂ©. Chaque pays crĂ©e sa propre mĂ©decine et ces mĂ©decines ont toutes leur efficacitĂ© et leurs lacunes Ă©videmment. Mais toutes ces mĂ©decines sont belles et doivent ĂȘtre respectĂ©es. Une fois admis cela, chacun apporte ce qu’il sait faire et il peut y avoir un Ă©change.  

Aujourd’hui, nos mĂ©decins occidentaux devraient reconsidĂ©rer notre ancienne mĂ©decine du XIIe siĂšcle, voir les richesses qu’elle possĂ©dait, au lieu d’envoyer des ethnologues et des anthropologues embĂȘter les thĂ©rapeutes traditionnels car c’est souvent de l’indiscrĂ©tion que d’aller courir aprĂšs des gens comme cela. Nous devrions plutĂŽt rechercher ce qui faisait la richesse de notre ancienne mĂ©decine.  

Avec une poignĂ©e de thĂ©rapeutes français, nous avons le projet de former un groupe de travail dont le but serait de considĂ©rer les plantes d’Europe sous une optique semblable Ă  celle des thĂ©rapeutes africains. Car je suis persuadĂ©e qu’on peut, Ă  l’instar des plantes africaines, soigner les maladies graves avec nos plantes europĂ©ennes.  

On associe souvent la mĂ©decine africaine Ă  de la sorcellerie avec des gris-gris, des danses extravagantes et des transes. Ces mĂ©thodes de guĂ©rison existent, il est vrai, pour soigner les maladies mentales des Africains et elles sont efficaces sur eux, mais elles ne le seraient pas sur nous car notre systĂšme de croyance est diffĂ©rent. Mais ce que l’on sait moins, c’est que la mĂ©decine africaine possĂšde un trĂ©sor thĂ©rapeutique immense et mĂ©connu. Car tous les EuropĂ©ens qui ont Ă©crit un livre sur cette mĂ©decine n’ont fait qu’effleurer le sujet et l’on reste souvent sur une idĂ©e de folklore.  

Les thĂ©rapeutes africains ne sont pas des sorciers !  

Bien sĂ»r qu’il existe aussi des sorciers en Afrique, qui font le mal, mais ils n’ont rien Ă  voir avec les  vĂ©ritables mĂ©decins dont je parle.

Question : Vous venez de terminer un livre sur votre expĂ©rience en Afrique,  Ă  l’hĂŽpital de Keur Massar et sur l’enseignement transmis par Dadi Diallo. Mais la mĂ©decine traditionnelle africaine n’est elle pas secrĂšte ?

Pr. Y. ParĂšs : Le savoir, il faut des annĂ©es pour l’apprendre. Donc ce n’est pas parce qu’on possĂšde quelques recettes de complexes de plantes qu’on devient un bon mĂ©decin. En Europe, pour devenir mĂ©decin, on passe une thĂšse et on prĂȘte serment, le serment d’Hippocrate. On rentre dans un groupe. En Afrique, on a une chose semblable : lorsque le disciple a terminĂ© sa formation, le maĂźtre organise une grande cĂ©rĂ©monie au cours de laquelle il lui donne sa bĂ©nĂ©diction, il lui passe un collier autour du cou et lui dit : « Maintenant tu peux rentrer chez toi ». ce qui veut dire : Tu es prĂȘt, maintenant commence ta fonction de thĂ©rapeute. On sait donc qu’il a Ă©tĂ© investi. Mais si vous donnez votre savoir sur la place publique, vous avez tous les petits rusĂ©s qui cueillent quelques herbes et s’affirment guĂ©risseurs. C’est pourquoi le secret est exigĂ© pour que le vrai savoir ne soit pas perdu, ni profanĂ©.

Question : N’y a t’il qu’un savoir, ou aussi toute une vision de la personne ? 

Pr. Y. ParĂšs : En Afrique, la vision de la personne est trĂšs diffĂ©rente de celle de notre monde occidental. Les Africains sont des gens trĂšs croyants et trĂšs portĂ©s sur le monde invisible. Les ancĂȘtres sont trĂšs prĂ©sents. On a dit qu’ils etaient paĂŻens ! Mais regardez leur religion : ils avaient la plupart du temps un Dieu unique et des divinitĂ©s annexes qui correspondent Ă  nos anges. Ou bien ils avaient des djinns, comme nous avons nos dĂ©mons ou nos mauvais esprits. Dieu a donnĂ© Ă  tous les hommes une notion de la divinitĂ©. Les Africains disent la mĂȘme chose que nous avec des mots diffĂ©rents. Nous sommes surpris des croyances africaines, mais ils sont aussi surpris par nos croyances. On se moque des plumes des Indiens d’AmĂ©rique du Nord ou des colliers de cauris africain. Mais si nous regardions comment sont habillĂ©s nos Ă©vĂȘques, nos magistrats ou nos militaires ou nos professeurs d’Oxford ! 

Et les thĂ©rapeutes africains tiennent compte de cette vision lorsqu’ils soignent leurs malades.

Question : Vous avez dit que vous désiriez commencer un groupe de travail avec des thérapeutes français. Pour quelle raison ?

Pr. Y. ParĂšs : Pour combler une lacune. En Europe, voyez vous, nous n’avons plus de maĂźtre qui aille dans la nature, rĂ©colter les plantes, les sĂ©cher, prĂ©parer des mĂ©dicaments, recevoir les malades et donner les remĂšdes appropriĂ©s, personnalisĂ©s. De maĂźtre qui ait gardĂ© ce contact avec la nature, les Ă©nergies de la forĂȘt, avec le cosmos. 

Etre phytothĂ©rapeute, c’est incomplet. Puisqu’il n’y a plus de maĂźtre et que j’ai eu de la chance d’avoir des maĂźtres remarquables, ce qu’ils m’ont enseignĂ©, je voudrais le transposer sur les plantes d’Europe et montrer comment on peut procĂ©der. 

Il faut aller dans la nature, retrouver le calme, la paix, l’amour des plantes, les manipuler avec respect, apprendre Ă  faire soi mĂȘme des mĂ©dicaments simples, les mĂ©dicaments de base et puis ceux qu’on prĂ©pare directement pour chaque malade. C’est toute une philosophie, une autre façon de vivre la mĂ©decine que je dĂ©sire transmettre .  

Vous voyez, je ne crois pas qu’on puisse exercer la mĂ©decine traditionnelle dans les locaux utilisĂ©s par la mĂ©decine moderne. Nous ne pouvons recevoir des malades dans un cabinet mĂ©dical luxueux et stressant ou laid. Nos bĂątiments de Keur Massar sont modestes, mais nous sommes en pleine nature, il y a des oiseaux, des fleurs. On ne peut pas par exemple soigner des malades angoissĂ©s dans d’immenses hĂŽpitaux. 

Pour ĂȘtre thĂ©rapeute, il faut aimer le silence, il faut chercher la paix, l’harmonie en soi, et aimer les gens ce qui n’est pas facile. Il faut aussi de la patience et du temps et une structure appropriĂ©e pour recevoir les malades. 

En fait il faudrait revoir toute la mĂ©decine. Nos hĂŽpitaux sont de vĂ©ritables usines remplies d’appareils qui font peur, oĂč l’on ne sĂ©pare pas les maladies infectieuses des autres d’oĂč le grand nombre de maladies nosocomiales (800 000 par an), oĂč les maladies consĂ©quentes Ă  l’emploi de mĂ©dicaments remplissent le tiers des lits- un tiers des maladies sont iatrogĂšnes-. 0n se moque des Africains parce qu’ils n’auraient pas d’hygiĂšne et prennent l’eau du puits pour se laver. Nous, on attrape la lĂ©gionellose dans les douches de nos hĂŽpitaux.  Nous devons rĂ©flĂ©chir, devenir raisonnables et retrouver le bon sens.

Question : Soignez vous le Sida Ă  Keur Massar?

Pr. Y. ParÚs : Nous soignons des cas de Sida depuis 1988. Si le gouvernement du Sénégal et les médecins sénégalais avaient fait leur travail, on aurait mis en place une organisation pour soigner les sidéens. Nous ne sommes pas les seuls au Sénégal a soigner les sidéens. Il y a plusieurs autres thérapeutes cachés dans la brousse qui ne font pas de bruit. Mais certains médecins étouffent tout, préférant laisser mourir les gens que de faire appel à ceux qui soignent vraiment.

Question : Comment expliquer vous cela ?

Pr. Y. ParĂšs : Les Ă©quipes amĂ©ricaines arrivent avec beaucoup d’argent qu’ils donnent aux mĂ©decins. La Banque Mondiale  a aussi versĂ© de grandes sommes d’argent pour la prĂ©vention et, lĂ  aussi, une partie de cet argent atterrit dans les proches de quelques-uns. De plus, les autoritĂ©s ont tendance Ă  cacher leurs sidĂ©ens pour qu’on puisse dire que le SĂ©nĂ©gal a fait une politique de prĂ©vention trĂšs active. 


Question : Actuellement des gens se battent dans le monde pour que les trithérapies arrivent en Afrique


Pr. Y. ParĂšs : Franchement, la trithĂ©rapie n’a jamais guĂ©ri personne, elle ne fait que prolonger la vie lorsqu’elle ne tue pas par des accidents cardiaques.  

On ne soigne pas avec des poisons ! 

Dans notre mĂ©decine occidentale, on trouve normal, nous mĂ©decins hippocratiques, que les mĂ©dicaments que l’on prescrit provoquent des effets secondaires terribles. Hippocrate a bien prescrit avant tout de ne pas nuire ! Sur un organisme faible, vous allez provoquer des dĂ©sastres supplĂ©mentaires. 

Nous soignons des sidĂ©ens depuis 88.  Beaucoup retrouvent leur tonus et se sentent guĂ©ris. La plupart sont encore porteurs du virus, mais certains deviennent nĂ©gativĂ©s, on en a eu la preuve Ă  la suite d’examens obligatoires pour leur profession.  

Si on veut soigner avec des plantes les malades du Sida, il faut beaucoup de savoir, de patience et des structures spĂ©cialisĂ©es pour les accueillir et il faut que dans l’opinion, on sache que les plantes peuvent secourir les SidĂ©ens. Si on ne leur dit pas cela, ils ne viendront pas et choisiront plutĂŽt la trithĂ©rapie.

Question : Je sais que vous avez des difficultés pour faire passer votre message
.

Massar et les résultats de nos traitements. Nous avons soigné à Keur Massar des myasthénies et des scléroses en plaque, on a amélioré un spina-bifida, on a fait régresser des paralysies. Je parle aussi de nos traitements anti-sidéens et pour les malades mentaux.

Question : Quelles est les voies porteuses d’espoir pour la reconnaissance des mĂ©decines traditionnelles ?

Pr. Y. ParĂšs : Je pense que les rencontres comme celles de la Fondation Denis Guichard servent Ă  former un noyau de personnes qui ont de bonnes idĂ©es et peuvent les rĂ©pandre. Je pense toutefois que de rencontrer des thĂ©rapeutes d’autres cultures et d’autres langues reste difficile. Ils ne parlent pas notre langue ou ont vĂ©cu dans des villages isolĂ©s et au milieu de nous, ils perdent leurs moyens comme nous, nous perdons les nĂŽtres au milieu d’eux. Ainsi, lorsque des Africains ou des AmĂ©rindiens viennent faire leur cĂ©rĂ©monie au milieu de nous, avec leur musique et leurs rituels, j’ai parfois le sentiment d’un sacrilĂšge, comme si la chose Ă©tait galvaudĂ©e. Il est important que ces cĂ©rĂ©monies aient lieu dans un cercle restreint, face Ă  un public rĂ©ceptif. Je me rappelle d’un mĂ©decin bĂ©ninois qui avait invitĂ© des AmĂ©rindiens lors d’un. CongrĂšs du Sida. Ces AmĂ©rindiens s’etaient mis a jouĂ© de la flĂ»te. C’était trĂšs beau, mais les gens continuaient de parler sans leur prĂȘter attention et j’avais mal au cƓur pour ces peuples qui apportaient leur Ăąme et n’étaient pas Ă©coutĂ©s. 

L’important c’est de parler, de s’exprimer sur ce que l’on connaĂźt bien pour supprimer les idĂ©es fausses et prĂ©conçues.

Question : Comment aimeriez-vous qu’évolue la mĂ©decine moderne actuelle ?

Pr. Y. ParĂšs : La mĂ©decine occidentale actuelle me met mal Ă  l’aise. J’ai fait cette mĂ©decine africaine dans la paix de la brousse, dans la priĂšre, dans le calme, dans l’amour du prochain, dans l’écoute, dans une immense responsabilitĂ© et en mĂȘme temps une immense initiative thĂ©rapeutique, donc je suis complĂštement sortie de ma formation universitaire. Les deux mondes sont tous Ă  fait diffĂ©rents.  

Naturellement la mĂ©decine moderne sauve des gens. On ne peut le nier. 

Je crois pourtant qu’il faudrait revenir Ă  la simplicitĂ© et au bon sens. Pour soigner une angine on n’a pas besoin de faire des examens de laboratoire, il y a des remĂšdes simples : le jus de citron, le vinaigre rosat, des huiles essentielles, des inhalations de thym, de laurier, de camomille. Donc simplicitĂ© et bon sens. Je me demande comment des professeurs de grands hĂŽpitaux peuvent continuer Ă  prescrire des molĂ©cules chimiques alors qu’ils savent qu’un tiers de leurs lits sont occupĂ©s par des maladies iatrogĂšnes. Comment des gens trĂšs intelligents peuvent accepter que leur initiative thĂ©rapeutique soit confisquĂ©e par des chimistes qui ne cherchent qu’à gagner de l’argent. C’est frustrant pour un mĂ©decin. Vous avez des dĂ©lĂ©guĂ©s qui viennent vous vanter n’importe quelle poudre de perlimpinpin qui provoque de nombreux accidents secondaires. Comment des gens intelligents se sont-ils laissĂ© manipuler a ce point ? Évidemment exercer Ă  l’occidentale est plus facile. Vous faites une ordonnance, votre patient se rend Ă  la pharmacie, mais mĂȘme les pharmaciens ne savent plus prĂ©parer leurs propres mĂ©dicaments.  

Bien sĂ»r, je sais que la population a augmentĂ© dans les villes. C’est compliquĂ© de prescrire des dĂ©coctions et autres prĂ©parations. Mais en Afrique, les malades sont plus simples. Si vous ne faites pas les dĂ©coctions vous mĂȘmes, vous leur donnez la poudre et leur dites comment faire et ils le font. En Europe, on a l’habitude du confort, on est devenu paresseux, il nous faut une pilule qui nous guĂ©risse en 5 minutes . La famille ne serait sans doute pas toujours prĂȘte Ă  prĂ©parer des dĂ©coctions pour le malade. Il faut faire un effort pour se soigner avec les herbes, la santĂ© ça se conquiert. Et puis les patients, fragiles sont infantilisĂ©s, se laissent souvent guider par des ‘gourous’ et l’on a tellement dit Ă  la masse des gens pas trĂšs instruits que la mĂ©decine etait merveilleuse, que les progrĂšs etaient formidables, que la thĂ©rapie gĂ©nique allait tout guĂ©rir qu’ils finissent par y croire Alors qu’on ne sait mĂȘme plus traiter les angines avec des moyens simples


Question: Vous avez dit que la médecine africaine se suffirait à elle meme, mais elle doit avancer avec une recherche constante pour soigner les nouvelles maladies

Pr. Y. ParĂšs : Bien sĂ»r les grands thĂ©rapeutes sont en recherche constante. Mais je ne suis pas pour la fondation d’ une UniversitĂ© de mĂ©decine Traditionnelle Africaine, car celui qui veut apprendre la mĂ©decine africaine doit avoir le courage physique de sortir dans la brousse et de toucher les plantes, la terre
 

Vous savez, je n’ai pas eu un parcours facile, je me suis fait des ennemis aussi bien dans le milieu mĂ©dical europĂ©en car les mĂ©decins europĂ©ens Ă©taient furieux que je valorise la mĂ©decine africaine, mais aussi chez les mĂ©decins africains formĂ©s aux universitĂ©s occidentales et jaloux des secrets de l’Afrique qui m’avaient Ă©tĂ© confiĂ©s. 

Mais je sens aujourd’hui que j’ai une dette morale envers cette mĂ©decine traditionnelle africaine et ses thĂ©rapeutes. Je dois en ĂȘtre le chantre. 

En rĂ©sumĂ©, je voudrais que l’on sache que la mĂ©decine africaine est une mĂ©decine Ă  part entiĂšre qui n’a rien Ă  voir avec le folklore et les gris-gris avec lesquels on l’assimile souvent. Elle a montrĂ© toute son efficacitĂ© dans les maladies les plus graves ; la thĂ©rapeutique fine et Ă©laborĂ©e a des rĂ©sultats certains quant elle est menĂ©e avec sagesse et les grands maĂźtres sont brillants par leur intelligence.


Yvette ParÚs : rencontre entre la médecine occidentale et la médecine traditionnelle africaine

PAR MARYSE BERDAH-BAH

Yvette ParĂšs (1926-2009) fut tout d’abord une scientifique de renommĂ©e internationale. Docteur en biologie et en mĂ©decine, chercheur au CNRS, elle enseigna la biologie Ă  l’universitĂ© Cheikh Anta Diop de Dakar de 1960 Ă  1992 et dirigea le Centre de recherches biologiques sur la lĂšpre de 1975 Ă  1992. Elle fut la premiĂšre au monde Ă  cultiver le bacille de la lĂšpre. Puis, confrontĂ©e aux limites des thĂ©rapies occidentales pour soigner cette maladie, elle dĂ©couvrit les potentialitĂ©s de la mĂ©decine traditionnelle africaine, Ă  laquelle elle fut initiĂ©e par un maĂźtre peul.

L’efficacitĂ© des plantes anti-lĂ©preuses de la mĂ©decine 
traditionnelle africaine

Les recherches sur la lĂšpre menĂ©es par Yvette ParĂšs dans les annĂ©es soixante-dix la conduisirent assez rapidement Ă  remettre en cause les thĂ©rapeutiques proposĂ©es par la mĂ©decine occidentale, qu’elle jugea dĂ©cevantes (rĂ©missions partielles, souffrances persistantes, etc.). C’est Ă  ce moment-lĂ  qu’elle fit une rencontre dĂ©cisive, le maĂźtre peul Dadi Diallo. La biologiste dĂ©couvrit alors que les plantes anti-lĂ©preuses des tradithĂ©rapeutes se rĂ©vĂ©laient d’une grande efficacitĂ©.
Dadi Diallo accepta d’initier Yvette ParĂšs Ă  la mĂ©decine traditionnelle africaine. « Un vrai miracle Â», dira plus tard la scientifique, qui jugeait « extraordinaire que des thĂ©rapeutes africains aient fait confiance Ă  une Ă©trangĂšre Â». Il est vrai que le risque existait que des traitements soient rĂ©cupĂ©rĂ©s, « pillĂ©s Â» au profit de firmes pharmaceutiques occidentales

Pendant quinze ans, humblement, Yvette ParĂšs apprit auprĂšs de son maĂźtre l’art de la mĂ©decine et de la pharmacopĂ©e africaines : connaissance et cueillette des plantes, prĂ©paration des remĂšdes
 En 1980, elle ouvrait avec Dadi Diallo un premier centre de soins pour les lĂ©preux, Ă  la campagne, loin de tout Ă  cette Ă©poque-lĂ . En 1985, l’établissement prit le nom d’HĂŽpital Traditionnel de Keur Massar.

Dans l’HĂŽpital Traditionnel de Keur Massar, les tradipraticiens soignent tuberculoses, hĂ©patites, paludismes, dermatoses, SIDA


Cette structure, qui a redonnĂ© Ă  la mĂ©decine traditionnelle africaine ses lettres de noblesse, fut la premiĂšre de ce genre au SĂ©nĂ©gal et peut-ĂȘtre au monde. Yvette ParĂšs l’a dirigĂ©e jusqu’en 2003, annĂ©e oĂč le grand Ăąge la ramena en France : elle avait alors 79 ans.

Hommage à Yvette Parùs à l’Hîpital de Keur Massar
Depuis sa crĂ©ation, l’HĂŽpital a accueilli et soignĂ© des centaines de malades. Non seulement des lĂ©preux, mais aussi des personnes atteintes de tuberculose, de dermatoses, d’hĂ©patites et, depuis les annĂ©es 1980, du VIH-SIDA. Sans oublier la plupart des pathologies relevant de la mĂ©decine gĂ©nĂ©rale : diabĂšte, asthme, sinusites, rhumatismes, paludisme, etc. Les mĂ©decines traditionnelles, toujours Ă  base de plantes (phytothĂ©rapie) sont prescrites tant Ă  titre prĂ©ventif qu’à titre curatif. ParallĂšlement, les activitĂ©s de recherche ont Ă©tĂ© menĂ©es pour trouver de nouveaux traitements aux nouvelles maladies qui apparaissent rĂ©guliĂšrement. Sans oublier les activitĂ©s sociales : scolarisation des enfants de lĂ©preux, par exemple.
A une Ă©poque oĂč la mĂ©decine occidentale se remet elle-mĂȘme en question sur bien des points (rĂ©sistance aux antibiotiques, effets secondaires frĂ©quents, coĂ»t Ă©levĂ© de nombreux traitements
) et oĂč bien des personnes, en Europe ou aux Etats-Unis, se tournent vers les mĂ©decines dites parallĂšles ou alternatives, on ne peut que rendre hommage au travail pionnier d’Yvette ParĂšs et de son Ă©quipe de Keur Massar.
Les recherches et analyses d’Yvette ParĂšs n’ont, il est vrai, pas toujours reçu un Ă©cho positif. Selon elle, beaucoup de mĂ©decins et d’Etats africains Ă©taient trop « pris par le mirage occidental Â», autrement dit par l’idĂ©e d’une soi-disant supĂ©rioritĂ© de la mĂ©decine occidentale, pour accepter ses idĂ©es. MalgrĂ© ses compĂ©tences scientifiques indĂ©niables, elle fut aussi critiquĂ©e par des ONG d’aide aux lĂ©preux ou aux sidĂ©ens pour avoir osĂ© affirmer, preuves Ă  l’appui, que les mĂ©decines traditionnelles africaines proposaient des traitements efficaces contre ces maladies.

Puiser le meilleur dans la mĂ©decine occidentale 
et la médecine traditionnelle

Pourtant, de grandes nations du « Sud Â» n’ont aucun complexe vis-Ă -vis de la mĂ©decine occidentale : en Chine, les malades sont soignĂ©s en grande partie dans des hĂŽpitaux traditionnels. Il en va de mĂȘme en Inde, oĂč la mĂ©decine ayurvĂ©dique, millĂ©naire, est toujours trĂšs pratiquĂ©e. Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’opposer mĂ©decine occidentale et mĂ©decine traditionnelle mais de puiser dans chacune d’elles ce qu’il y a de meilleur, donc de ne pas regarder avec condescendance, voire avec mĂ©pris, la mĂ©decine traditionnelle. Le fait que le SĂ©nĂ©gal possĂšde une telle richesse thĂ©rapeutique, un tel savoir ancestral, devrait au contraire ĂȘtre une source de fiertĂ© pour les SĂ©nĂ©galais. C’est sans doute cela que nous a appris Yvette ParĂšs. 
C’est dans cet esprit qu’elle crĂ©a l’association Rencontre des MĂ©decines en 1998.

Djibril BĂą, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’HĂŽpital Traditionnel de Keur Massar, ajoute qu’Yvette ParĂšs, qu’il a bien connue, avait une conception trĂšs humaniste de la mĂ©decine : « L’hĂŽpital qu’Yvette ParĂšs avait construit Ă©tait un paradis sur terre : elle croyait qu’en dehors des mĂ©dications et de soins, une bonne alimentation et un meilleur environnement naturel, social et sanitaire Ă©taient indispensables Ă  la guĂ©rison. Dans l’HĂŽpital, les patients Ă©taient bien nourris et entourĂ©s de leur famille (une Ă©cole a Ă©tĂ© créée pour leurs enfants)
 Certains s’y mariaient
 Ils Ă©taient heureux, donc ils prĂ©servaient leur santĂ©. Le Dr ParĂšs distribuait un tonne de riz par mois, et bien d’autres denrĂ©es. Son bilan est aussi Ă©minemment humain. Â»

Vers une révolution thérapeutique

Il est des situations qui semblent bien Ă©tablies et qui soudain vacillent et finissent par s’effondrer. Un tel scĂ©nario se dessine pour la mĂ©decine occidentale hĂ©ritĂ©e du XXe siĂšcle et qui, persuadĂ©e de sa supĂ©rioritĂ©, avait imposĂ© sa tutelle mondiale. MalgrĂ© de vastes connaissances acquises dans les sciences fondamentales, la prĂ©cision de ses diagnostics, les prouesses chirurgicales, les techniques de pointe, un talon d’Achille cachĂ© sous un masque de puissance la fragilisait : la thĂ©rapeutique.

Les esprits les plus pĂ©nĂ©trants ne l’avaient pas soupçonnĂ© tant Ă©tait grandes la quiĂ©tude et la foi placĂ©es dans la science. Les remĂšdes chimiques constituaient la pointe du progrĂšs, les savoirs ancestraux, les mĂ©decines traditionnelles ne recevaient que rejet et mĂ©pris.
En ce dĂ©but du XXIe siĂšcle surgit le temps des bouleversements, des dĂ©sillusions. Aux faiblesses et mĂ©faits dĂ©jĂ  connus et qui s’amplifient – antibiothĂ©rapie en dĂ©clin, germes rĂ©sistants, maladies nosocomiales, tuberculoses hyper rĂ©sistantes, maladies iatrogĂšnes – vient s’ajouter un nouveau pĂ©ril qui suscite stupeur et effroi. Il s’agit de la pollution mĂ©dicamenteuse de l’eau jusqu’aux nappes souterraines. Les rĂ©pertoires des mĂ©dicaments, tel le Vidal en France, seront les tĂ©moins, pour les gĂ©nĂ©rations futures, des Ă©garements et erreurs d’une Ă©poque qui avait semblĂ© glorieuse.
Un contexte aussi prĂ©occupant ne peut s’éterniser. On ne peut continuer Ă  corrompre l’eau jusque dans ses rĂ©serves. Que subsistera-t-il alors de l’édifice thĂ©rapeutique Ă©tabli au XXe siĂšcle sur le « tout-chimie » ? Sans un sursaut pris Ă  temps, vide et impuissance vont poindre Ă  l’horizon. La pollution mĂ©dicamenteuse apparaĂźt comme un vĂ©ritable sĂ©isme qui secoue jusqu’à ses fondements la mĂ©decine scientifique dite « moderne », totalement dĂ©pendante pour sa thĂ©rapeutique des synthĂšses rĂ©alisĂ©es par les laboratoires pharmaceutiques.
Alors qu’elle croyait en sa pĂ©rennitĂ©, la situation actuelle va nĂ©cessairement imposer un renouvellement total des conceptions, une rĂ©volution dans les moyens de soigner, soulager et guĂ©rir.
Ces constations doivent rapidement se frayer un chemin afin de prĂ©parer les esprits aux dĂ©marches qui s’imposeront inĂ©luctablement dans un futur plus ou moins proche.

Abordons ces démarches :

Le retour à la nature, pharmacie géante pourvue de toutes les possibilités.

 L’exploration des savoirs anciens conservĂ©s dans les ouvrages et documents du passĂ©. Mais, fait regrettable, nous n’avons plus de maĂźtres comparables Ă  ceux des mĂ©decines traditionnelles pour nous enseigner le savoir, le savoir-faire ni la conduites des traitements pour les maladies des plus bĂ©nignes aux plus graves. Le travail n’en sera que plus ardu mais il ne doit pas nous dĂ©courager. MĂ©decins et pharmaciens, parmi les plus talentueux, faciliteront sans doute la rĂ©actualisation et l’élargissement des ressources thĂ©rapeutiques puisĂ©es dans les flores mĂ©dicinales europĂ©ennes.

  Les modifications profondes dans la formation universitaire dispensée aux étudiants en médecine et en pharmacie.

 De plus seraient Ă  prĂ©voir des sorties sur le terrain afin de connaĂźtre les plantes mĂ©dicinales dans leur habitat et de retrouver le contact avec les Ă©nergies qui traversent la nature. En mĂȘme temps seraient rĂ©appris silence, concentration, calme intĂ©rieur qui permettraient ultĂ©rieurement une meilleure Ă©coute des patients.

 L’intensification des cultures « bio » des plantes mĂ©dicinales, herbacĂ©es, arbustes et arbres, y compris les vignobles.

 L’augmentation du nombre des prĂ©parateurs en pharmacie compĂ©tents pour les actes galĂ©niques.

 La remise Ă  l’honneur, en France, du diplĂŽme d’herboriste qui reconnaĂźt ces auxiliaires utiles de la santĂ©, les autres pays europĂ©ens Ă©tant dĂ©jĂ  organisĂ©s dans ce domaine.

 L’augmentation du nombre des laboratoires spĂ©cialisĂ©s dans les remĂšdes phytothĂ©rapeutiques.

 L’élaboration de lois Ă©clairĂ©es facilitant l’exercice des mĂ©decins et pharmaciens, et adaptĂ©es Ă  la thĂ©rapeutique du futur oĂč rigueur et simplicitĂ© iraient souvent de pair.

 La crĂ©ation d’une nouvelle Organisation Mondiale de la SantĂ© (OMS)regroupant l’ensemble des mĂ©decines de la planĂšte, dont chacune dĂ©tient une part du vaste patrimoine thĂ©rapeutique de l’humanitĂ©.
En conclusion, la mĂ©decine occidentale doit redevenir ce qu’elle n’aurait jamais dĂ» cesser d’ĂȘtre : une mĂ©decine « verte » reliĂ©e aux forces de vie de la nature, non asservie aux puissances matĂ©rielles, entiĂšrement libre, laissant aux praticiens toutes leurs prĂ©rogatives, leur initiative imprĂ©gnĂ©e de sagesse, efficace et sans danger de pollution, dans un grand respect de l’Univers.
Ces conditions rĂ©unies, l’avenir verrait sans doute se dĂ©tacher, comme par le passĂ©, des noms cĂ©lĂšbres qui traverseraient les siĂšcles.
Dr Yvette ParĂšs
Professeur Ă  l’UniversitĂ© de Dakar de 1960 Ă  1992
Dr Ús sciences, Dr en médecine
Directrice du centre de recherches biologiques sur la lĂšpre de 1975 Ă  1992
Directrice de l’HĂŽpital traditionnel de Keur Massar (SĂ©nĂ©gal) de 1980 Ă  2003

Tuberculose : réorienter la thérapeutique

La tuberculose a longtemps sĂ©vi en Europe avec la rĂ©putation d’une maladie incurable. Aucun traitement efficace ne lui Ă©tait opposĂ©. Seules des prescriptions diĂ©tĂ©tiques tentaient d’en ralentir l’évolution. L’avĂšnement des antibiotiques et des antituberculeux de synthĂšse, dans la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle, a transformĂ© le pronostic et apportĂ© la guĂ©rison. Cette victoire laissait espĂ©rer une parfaite maĂźtrise de la maladie, un acquis dĂ©finitif pour le futur. Mais aprĂšs des annĂ©es de quiĂ©tude vint le temps des dĂ©sillusions.

Les premiers cas de rĂ©sistance du bacille commençaient d’apparaĂźtre. Leur nombre, au fil des annĂ©es, ne cessa de s’amplifier. Ces antituberculeux du dĂ©part se rĂ©vĂ©laient une arme Ă  double tranchant.
Une seconde vague de produits antituberculeux, moins actifs et plus toxiques, prit alors la relĂšve. Il s’ensuivit des guĂ©risons au prix de nouvelles rĂ©sistances. Le dĂ©but du XXIe siĂšcle hĂ©rite ainsi des tuberculoses rĂ©sistantes et ultrarĂ©sistantes, les deux derniĂšres laissant impuissante la mĂ©decine officielle.
La prescription d’une troisiĂšme vague d’antituberculeux – hypothĂ©tiques et non souhaitables – ne ferait qu’aggraver le problĂšme et conduire Ă  des tuberculoses foudroyantes.
Cette situation souvent analysĂ©e, dĂ©plorĂ©e, qualifiĂ©e « d’urgence planĂ©taire » n’a pas encore suscitĂ© l’interrogation capitale : comment sortir de l’impasse ? En d’autres termes, comment parvenir Ă  des traitements bĂ©nĂ©fiques qui, contrairement aux « thĂ©rapies molĂ©culaires », demeureraient efficaces dans la durĂ©e, n’engendrant pas de rĂ©sistances ?
La tuberculose n’affecte pas seulement l’Europe mais sĂ©vit partout dans le monde, de plus exacerbĂ©e par le sida. Mais les autres continents disposent d’atouts : leurs mĂ©decines traditionnelles qui ont traversĂ© les Ăąges. Cependant, un lourd handicap les maintient dans l’ombre, l’absence d’un organisme oĂč elles pourraient s’exprimer. Il serait urgent de s’informer de leurs capacitĂ©s pour la lutte antituberculeuse.
Une longue expĂ©rience vĂ©cue au SĂ©nĂ©gal (1980-2003) a montrĂ© que la mĂ©decine africaine, dans ce pays, dĂ©tenait des traitements antituberculeux d’une remarquable efficacitĂ©. Des contacts auprĂšs des mĂ©decines asiatiques, amĂ©rindiennes, ocĂ©aniennes apporteraient une vision globale des possibilitĂ©s thĂ©rapeutiques contre la tuberculose Ă  travers le monde. Mais cet inventaire ne rĂ©soudrait pas le problĂšme qui se pose en Europe et dont la solution est Ă  rechercher activement. Un chemin permettrait sans doute d’y parvenir avec des investigations sur les connaissances qui subsistent des savoirs anciens, auxquels viendraient s’ajouter les donnĂ©es phytothĂ©rapiques acquises Ă  l’époque contemporaine.
Des traitements antituberculeux auraient-ils existĂ© dans le passĂ©, suivis de disparition pour des causes obscures ? On peut le supposer si l’on considĂšre le nombre des plantes mĂ©dicinales citĂ©es contre la tuberculose dans les ouvrages anciens. Leur Ă©numĂ©ration en donnera une vision concrĂšte :

  • absinthe, acanthe, aigremoine, aunĂ©e
  • bouillon blanc, bistorte
  • chĂȘne, citronnier consoude, cyprĂšs
  • eucalyptus
  • germandrĂ©e
  • houblon
  • lavande, lichen d’islande, lierre terrestre
  • marjolaine, marrube blanc, mĂ©nyanthe
  • noyer
  • pin, plantain, potentille, prĂȘle
  • renouĂ©e, rose
  • sauge
  • thym, tormentille

Toute démarche exige un premier pas. Les données qui vont suivre voudraient y contribuer.
Dans la recherche d’un renouveau thĂ©rapeutique contre la tuberculose seront considĂ©rĂ©s successivement les remĂšdes des anciens, les acquisitions contemporaines, les formules originales comportant des associations de plantes mĂ©dicinales, en prĂ©sumant de leur efficacitĂ©.

RemĂšdes anciens

Leur liste serait assez longue. Quelques-uns de ces remÚdes, qui semblent particuliÚrement intéressants, sont cités en exemple. Leur prescription viendrait en complément du traitement principal.  

  • Élixir d’absinthe
  • Miel rosat et miel rosat additionnĂ© de poudre de prĂȘle
  • Poudre d’aunĂ©e, bistorte, eucalyptus, myrte, rose.
  • Sirops de betterave rouge, de chou rouge, eucalyptus, hysope, myrte, noyer, pin bourgeons, plantain, rose rouge
  • Teintures d’ail, eucalyptus, myrte, peuplier bourgeons.
  • Tisanes d’aunĂ©e, eucalyptus, millepertuis et tisanes composĂ©es.
  • Vins d’aunĂ©e, basilic, lavande, noyer
  • Vinaigre rosat.

Acquisitions contemporaines

Elles ont trait Ă  de nombreuses huiles essentielles dont quelques-unes mĂ©ritent particuliĂšrement d’ĂȘtre citĂ©es :

  • HE Cupressus sempervirens
  • HE Origanum compactum, d’action mycobactĂ©ricide
  • HE Melaleuca quinquinervia (niaouli)
  • HE Satureja montana
  • HE Thymus serpyllum
  • HE Thymus vulgaris
  • Formules nouvelles
  • Ces mĂ©dications constitueraient le pivot des traitements. Elles portent le nom de DĂ©coctions-Infusions-MacĂ©rations (DIM), les trois opĂ©rations Ă©tant successives.
  • Elles sont imitĂ©es de certaines prĂ©parations de l’art pharmaceutique pratiquĂ© en mĂ©decine africaine, au SĂ©nĂ©gal.
  • Les plantes sont utilisĂ©es sous forme de poudres et les proportions s’expriment en volumes (qui seraient traduits en poids, ultĂ©rieurement, en cas d’efficacitĂ© dĂ©montrĂ©e).
  • DIM n°1
  • ChĂȘne, Ecorce





.1 )
  • Bouleau, Ec






..1 ) 1 partie
  • Saule, Ec








1 )
  • Noyer, Feuilles





.1 ) 2 parties
  • PrĂȘle










.1 )
  • Bistorte, Racine




..1 )
  • Patience, R







1 )
  • AunĂ©e, R








.3 )
  • Lierre terrestre





2 ) 9 parties
  • Consoude, R






.1 )
  • RenouĂ©e








.1 )
  • Ortie, R, F








2 )
  • Plantain









1 )
  • Tormentille







..3 )
  • DIM n° 2
  • ChĂȘne, Ecorce





..1 )
  • Bouleau, Ec







1 ) 1 partie
  • HĂȘtre, Ec








.1 )
  • Noyer, Feuilles





. ) 2 parties
  • PrĂȘle










..1 )
  • Bistorte









.1 )
  • Tormentille 







1 )
  • Potentille








.1 )
  • Aigremoine







1 ) 9 parties
  • Houblon, cĂŽnes





2 )
  • RenouĂ©e








..2 )
  • Ortie










1/2 )
  • ChicorĂ©e








.1/2 )
  • Pissenlit








..1/2 )
  • DIM n° 3
  • ChĂȘne, Ecorce





.1)
  • HĂȘtre, Ec








1 ) 1 partie
  • Saule, Ec








1 )
  • Noyer, Feuilles





.. ) 2 parties
  • Rose










.. )1 partie
  • AunĂ©e, Racines





. )2 parties
  • Plantain









 )1 partie
  • Potentille








2 )
  • Sauge









..1 )
  • Lierre terrestre





1 ) 5 parties
  • Pin, bourgeaon





2 )
  • Bouillon blanc





..1 )
  • Marrube blanc 





.1 )

Mode d’emploi

Une cuillerĂ©e Ă  soupe du mĂ©lange de poudres dans un litre d’eau. Porter Ă  Ă©bullition pendant deux Ă  trois minutes. Laisser infuser jusqu’à refroidissement. Mettre le tout en bouteille de verre, sans filtrer.

Posologie

un verre Ă  thĂ© (= six cuillerĂ©es Ă  soupe) avant les trois repas. Pour les enfants, adapter la dose. D’autres formules de DIM sont possibles. Les trois exposĂ©es ici sont donnĂ©es en exemple. Ces formules reposent sur les plantes mĂ©dicinales des zones tempĂ©rĂ©es et mĂ©diterranĂ©ennes. Des mĂ©dications similaires seraient sans doute possibles Ă  partir des flores des rĂ©gions nordiques.

En plus, des prĂ©parations administrĂ©es par voie interne pourraient s’ajouter en traitement externe, des inhalations ainsi que des lotions et frictions avec des vinaigres mĂ©dicinaux et des huiles mĂ©dicamenteuses dont les formules seraient faciles Ă  Ă©tablir.

Les traitements ainsi poroposĂ©s pourraient, dans une premiĂšre Ă©tape, ĂȘtre prescrits aux patients tuberculeux dont les cas apparaissent dĂ©sespĂ©rĂ©s.

En conclusion, les « thĂ©rapies molĂ©culaires » antituberculeuses sont en sursis et appellent des solutions de rechange. Elles existent dĂ©jĂ  au sein des mĂ©decines traditonnelles qui devraient faire entendre leurs voix. Pour l’Europe, des recherches actives sont nĂ©cessaires afin d’assurer, avec la meilleure efficacitĂ©, la continuitĂ© des soins.

Septembre 2009

Dr Yvette ParĂšs

Professeur Ă  l’UniversitĂ© de Dakar de 1960 Ă  1992

Dr Ús sciences, Dr en médecine en médecine

Directrice du centre de recherches biologiques sur la lĂšpre de 1975 Ă  1992

Directrice de l’HĂŽpital traditionnel de Keur Massar (SĂ©nĂ©gal) de 1980 Ă  2003

RemÚdes naturels contre la grippe

Il rĂšgne autour de la grippe un climat des plus malsains. Tout est mis en Ɠuvre pour susciter la panique avec la crainte d’une Ă©pidĂ©mie semblable Ă  la grippe espagnole qui sĂ©vit entre 1915 et 1918. Mais l’excĂšs peut aussi conduire Ă  l’effet contraire : l’irritation ou l’indiffĂ©rence gĂ©nĂ©ralisĂ©e. La lutte antigrippale devrait ĂȘtre menĂ©e conjointement par toutes les mĂ©decines de la planĂšte disposant des mĂ©dications appropriĂ©es.

Un premier scĂ©nario catastrophique entoura l’apparition de la grippe aviaire qui provoqua une ruĂ©e sur le Tamiflu, prĂ©sentĂ© comme le remĂšde unique et de choix. Mais le dĂ©sastre annoncĂ© tourna court. Les victimes furent les milliers de poulets sacrifiĂ©s aprĂšs une courte vie dans les conditions barbares des Ă©levages industriels. On avait omis d’ajouter que ces populations animales fragilisĂ©es, surmĂ©dicalisĂ©es, constituaient des viviers d’oĂč pouvaient surgir des agents pathogĂšnes responsables de maladies nouvelles.

Alerte au virus H1N1

Une seconde alerte est lancĂ©e avec la grippe porcine, pour l’’instant sans rĂ©elle gravitĂ©. Mais on assiste aux prĂ©dictions, aux suppositions les plus alarmantes, sinon les plus extravagantes. Le virus A (H1N1) dont le nom savant peut impressionner les foules, serait susceptible de mutation qui le rendrait redoutable Ă  l’automne prochain. On Ă©voque, sur quelques critĂšres, les 20 millions de personnes qui seraient frappĂ©es en France. On envisage la fermeture des Ă©coles et le ralentissement dĂ» aux absences dans les activitĂ©s publiques. On suppose une prolongation de la crise Ă©conomique. Une paralysie s’installerait dans tous les pays. Les prophĂštes de malheur ne mĂ©nagent pas leurs effets.
Des mesures ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© prises : commande de masques de protection, de Tamiflu dont les rĂ©serves antĂ©rieures, en partie pĂ©rimĂ©es, verront leur date de pĂ©remption reculĂ©e de deux ans : des millions de doses de vaccins qui peuvent se rĂ©vĂ©ler inutiles en cas de mutation du virus actuel. D’autre part, des contrĂŽles dans les aĂ©roports avant l’embarquement se proposent de dĂ©tecter les personnes Ă©ventuellement fĂ©briles. Rien ne manque pour manipuler les esprits au sein de sociĂ©tĂ©s surmĂ©dicalisĂ©es. Finalement, Ă  qui profite ce bruit qui dĂ©fie tout bon sens ? PrĂ©voyance et prudence ne sont pas Ă  rejeter, Ă  condition de demeurer dans la sagesse. CrĂ©er le stress ne peut qu’affaiblir les capacitĂ©s de l’organisme et favoriser l’éclosion de la maladie. Affronter dans le calme les conditions adverses et rechercher les meilleurs moyens de dĂ©fense constituerait une stratĂ©gie bĂ©nĂ©fique.
Que reprĂ©sente, en rĂ©alitĂ©, le Tamiflu ? Cet antiviral peu efficace a dĂ©jĂ  provoquĂ© des rĂ©sistances de l’agent pathogĂšne, notamment aux Etats-Unis. Combien d’autres Ă©mergeront aprĂšs sa prescription gĂ©nĂ©ralisĂ©e ? De plus, comme toutes les molĂ©cules de synthĂšse, il contribue Ă  la pollution de l’environnement et de l’eau.

Des médicaments familiaux efficaces et faciles à se procurer

Pourquoi cette courte vue arrive Ă  ignorer les moyens thĂ©rapeutiques du passĂ© en Europe et Ă  travers le monde ? La lutte antigrippale devrait ĂȘtre menĂ©e conjointement par toutes les mĂ©decines de la planĂšte disposant des mĂ©dications appropriĂ©es. A cet Ă©gard, on peut citer la mĂ©decine africaine, au SĂ©nĂ©gal, qui ne serait pas dĂ©munie en cas de nĂ©cessitĂ©.
L’Europe pourrait, elle aussi, puiser dans les savoirs anciens, dans ce que furent ses mĂ©decines vertes, au cours des siĂšcles.
Dans un but concret, afin d’éviter d’ĂȘtre pris au dĂ©pourvu en cas de vĂ©ritable Ă©pidĂ©mie, quelques mĂ©dications, retenues parmi d’autres sont exposĂ©es pour une contribution Ă  la lutte antigrippale. Les ingrĂ©dients qui les composent sont faciles Ă  se procurer et Ă  conserver dans les familles. Ils permettraient de garder calme et sang-froid devant les difficultĂ©s qui pourraient survenir.

Cette énumération comporte différents types de préparations :

1- DĂ©coction d’ail dans du lait (un verre par jour)

2- Infusion de l’une ou l’autre ce ces plantes mĂ©dicinales : angĂ©lique, eucalyptus, bourgeons de pin ou de sapin. Une cuillerĂ©e Ă  cafĂ© dans une tasse d’eau bouillante. Infuser 10 minutes. Sucrer au miel.

3- Sirops d’argousier, d’eucalyptus ou de bourgeons de pin ou de sapin.

4- Tisanes composées :
Tisane antigrippale n°1 : 
⊁ Thym







.1 cuillĂšre Ă  cafĂ©
⊁ Cannelle





.1 grosse pincĂ©e
⩁ Girofle







..2 clous
⩁ Eau








250 ml
Décoction légÚre, infusion 10 minutes
Ajouter le jus d’un demi-citron.
Sucrer avec du miel
Action trÚs bénéfique
Tisane antigrippale n° 2 :
⊁ Hibiscus






1 cuillĂšre Ă  cafĂ©
⩁ Girofle







2 clous
⩁ Eau








.250 ml
Faire bouillir 5 minutes. Infuser 10 minutes
Sucrer au miel
Bonne efficacité
Tisane antigrippale n° 3 :
⩁ Lierre terrestre





.60 g
⩁ Hysope









60 g
⩁ Capillaire








.60 g
⩁ Coquelicot fl






.10 g
⩁ Ronce









.30 g
Une cuillerĂ©e Ă  soupe pour 250 ml d’eau bouillante.
Infuser 10 minutes. Sucrer au miel.
Cette tisane était autrefois considérée comme souveraine contre la grippe.

5- Vin chaud antigrippal :
⩁ Figues sùches



..6
⩁ Amandes






100 gr
⩁ Girofle, clous




.6
⊁ Gingembre





.6 gr (= œ cc)
⩁ Cannelle






.10 gr (=1 cc)
⩁ Raisins de Corinthe

1 cuillùre à soupe
⩁ Sucre








.150 g
⩁ Vin









..1 litre
Ecraser légÚrement figues, amandes et raisins secs.
Faire bouillir 5 minutes. Servir brûlant, 125 cc par personne, à partager en famille !
Préventif ou curatif.
D’aprĂšs les Anciens, la grippe Ă©tait coupĂ©e radicalement.
Ces remĂšdes simples sont faciles Ă  prĂ©parer et Ă  administrer. Des traitements plus complexes relĂšveraient de l’art de phytothĂ©rapeutes confirmĂ©s.
En conclusion, devant l’éventualitĂ© d’une Ă©pidĂ©mie largement rĂ©pandue, les thĂ©rapeutiques autres que Tamiflu et les vaccins sont possibles. Il serait urgent de les sortir de l’ombre, en Europe et sur tous les continents. Les populations, avec sang-froid, pourraient prendre leur santĂ© en mains.

Que vivent les lépreux avec leurs corps et leurs ùmes ?

Le Dr Yvette ParĂšs nous transmet trois histoires de patients qui venaient des villages de « reclassement social » (les lĂ©proseries au SĂ©nĂ©gal) et furent soignĂ©s Ă  l’HĂŽpital Traditionnel de Keur Massar (HTKM).


A.T., homme de 35 ans, traité depuis de nombreuses années par la chimiothérapie

Il est arrivĂ© Ă  l’HTKM dans un Ă©tat de grande faiblesse avec des taches cutanĂ©es, une paralysie cubitale droite et un mal perforant au talon droit (ulcĂšre profond avec Ă©coulement permanent).
Les troubles de la sensibilitĂ© (froid, chaud, tact, douleur) Ă©taient trĂšs importants. Un exemple en donnera une idĂ©e concrĂšte : ce patient fumait de temps Ă  autre. Lorsque la cigarette Ă©tait presque consumĂ©e, il n’en sentait pas la chaleur, il en rĂ©sultait une brulĂ»re dont il n’avait pas conscience, ne ressentant pas la douleur.
Le traitement antilĂ©preux de la mĂ©decine traditionnelle le ramena progressivement Ă  la santĂ©. Pour la sensibilitĂ© cutanĂ©e, les tests pratiquĂ©s chaque semaine sur le membre supĂ©rieur droit montrĂšrent le retour d’une sensibilitĂ© normale Ă  partir de l’épaule, sur environ 10 cm. Puis chaque semaine, on observait une avancĂ©e de 10 cm jusqu’au moment oĂč la sensibilitĂ© fut retrouvĂ©e au niveau de la main. Il n’y eut plus de brĂ»lure par les cigarettes.

Le mal perforant ancien reçut les soins appropriés :

  • lavage avec une dĂ©coction dĂ©tergente ;
  • application d’une lotion antiseptique ;
  • introduction dans le mal perforant d’un mĂ©lange de poudres antiseptiques et cicatrisantes ;
  • application d’une pommade ;
  • puis un bandage Ă©tait mis en place et une chaussette enfilĂ©e afin de le garder propre le plus longtemps possible. Le pansement avait lieu deux fois par semaine.

La guĂ©rison fut obtenue aprĂšs un peu plus de 4 mois. Il n’y eut pas de rĂ©cidive.
Les lĂ©preux des rues de Dakar ont connu de mĂȘme la guĂ©rison de leurs maux perforants plantaires, infirmitĂ© qui handicapait lourdement leur vie.

M.G., homme de 30 ans, traité depuis plusieurs années par la chimiothérapie

Il prĂ©sentait une paralysie cubitale droite. Le tonus musculaire de la main Ă©tait si faible qu’il ne pouvait tenir une feuille de papier entre le pouce et l’index : elle s’échappait invariablement.

AprĂšs quelques mois de traitement par voie interne, bains de mains et massages avec une huile mĂ©dicamenteuse, le tonus Ă©tait revenu au point que le patient participait, Ă  l’arrivĂ©e de la voiture, au dĂ©chargement du matĂ©riel et des vivres.

R.F., jeune femme de 32 ans traitée auparavant par la chimiothérapie

Elle Ă©tait arrivĂ©e dans un Ă©tat de trĂšs grande faiblesse, avec des taches cutanĂ©es et une paralysie de la jambe droite confĂ©rant la dĂ©marche qualifiĂ©e de « steppage ». De plus, le visage Ă©tait couvert d’ulcĂ©rations suintantes qui attiraient des nuĂ©es de mouches venues d’on ne sait oĂč.

Le premier travail fut de la prĂ©server de cette invasion par un chapeau de brousse muni d’une voilette en tissu assez transparent pour permettre la vision. AprĂšs quelques semaines de traitement, l’état gĂ©nĂ©ral s’était fortement amĂ©liorĂ© et les ulcĂ©rations cicatrisĂ©es. Le port du chapeau n’était plus nĂ©cessaire.

Deux anecdotes

1 – Des dames suisses au cƓur gĂ©nĂ©reux visitaient chaque annĂ©e tous les villages de reclassement social du SĂ©nĂ©gal, en d’autres termes les lĂ©proseries. Elles terminaient leur pĂ©riple en venant Ă  l’HĂŽpital Traditionnel de Keur Massar.
Un jour, la dame qui, par sa personnalité, menait le groupe me dit :
« Ici, c’est le dessert ! » Par ces paroles, elle comparaĂźt l’aspect de nos malades Ă  ce qu’elles avaient observĂ© en d’autres lieux.

2 – Des visiteurs venus Ă  l’HTKM avaient croisĂ© sur l’un des chemins intĂ©rieurs un groupe de patients fortement amĂ©liorĂ©s et qui se rendaient Ă  diverses occupations. Une question me fut posĂ©e : « Qui sont ces personnes ? Ce ne sont pas des malades ? » Je leur dis que c’étaient bien des malades pour qui les traitements de la mĂ©decine africaine avaient eu ces effets bĂ©nĂ©fiques.
Ces propos venus de profanes, n’appartenant pas au milieu de la santĂ©, exprimaient de façon simple l’efficacitĂ© des traitements pratiquĂ©s Ă  Keur Massar.
Le 21.09.09
Dr Yvette ParĂšs
Professeur Ă  l’UniversitĂ© de Dakar de 1960 Ă  1992
Dr Ăšs-science
Dr en médecine
Directrice du centre de recherches biologiques sur la lĂšpre de 1975 Ă  1992
Directrice de l’HĂŽpital Traditionnel de Keur Massar (SĂ©nĂ©gal) de 1980 Ă  2003

Science et médecine

Le survol du temps apparaĂźt nĂ©cessaire pour observer dans une juste perspective la rencontre rĂ©cente de la science moderne et de la mĂ©decine des pays d’Occident. Il en est rĂ©sultĂ© une illusion aux graves consĂ©quences, celle de la supĂ©rioritĂ© de la mĂ©decine scientifique sur l’ensemble des savoirs mĂ©dicaux de la planĂšte. Ceux-ci devenaient nĂ©gligeables et devaient s’effacer devant la nouvelle venue. Mais la foi en la science, portĂ©e Ă  son plus haut degrĂ©, a Ă©tĂ© l’arbre qui cache la forĂȘt et empĂȘche de voir les richesses d’autrui qui s’expriment dans toutes les mĂ©decines traditionnelles Ă  travers le monde.

Il importe de quitter une illusion prĂ©judiciable et d’aller Ă  la dĂ©couverte de ces mĂ©decines qui ont traversĂ© les millĂ©naires et que la science a repoussĂ©es.

A la découverte des médecines traditionnelles

De nombreux aspects sont à envisager :

1 – Les bases fondamentales

Toutes les mĂ©decines traditionnelles reposent sur une cosmologie, une vision de l’Univers, de la place de l’homme dans cet univers et de ses relations avec les mondes visible et invisible. De plus, elles considĂšrent le patient dans sa globalité : corps , Ăąme, esprit.
Un exemple sera donnĂ© par la mĂ©decine chinoise, souvent Ă©voquĂ©e en Occident. La cosmologie est fondĂ©e sur l’idĂ©e du Souffle originel, Ă  la fois matiĂšre et esprit, et qui a donnĂ©e niassance :
 

  • au Yang, puissance active
  • au Yin, douceur rĂ©ceptive
  • au Souffle du Vide mĂ©dian, d’oĂč sont issues toutes les formes de vie.

Le Souffle originel circule donc dans tous les ĂȘtres vivants qui sont ainsi interdĂ©pendants, en interactions rĂ©ciproques constantes.
La pensĂ©e chinoise dit aussi que l’homme debout relie les Ă©nergies du Ciel et de la Terre. Ces Ă©nergies circulent en lui, selon des mĂ©ridiens qui comportent les points d’acupuncture. La maladie rĂ©sulte de dĂ©sordres Ă©nergĂ©tiques causĂ©s par de nombreux facteurs : physiques, Ă©motionnels et psychiques, groupĂ©s sous les termes d’énergies perverses.
Qu’en est-il pour les autres mĂ©decines traditionnelles ? Tous les peuples de la Terre se sont posĂ© les mĂȘmes questions existentielles et ont Ă©laborĂ© chacun leur propre cosmologie dont on ne connaĂźt que de brĂšves esquisses.
Les pays d’Occident, sans aucune considĂ©ration, ont qualifiĂ© ces peuples de « sauvages, archaĂŻques, primitifs » alors que leurs conceptions pourraient apporter un renouveau dans notre monde en perte de sens, oĂč rĂšgne un excĂšs de rationalitĂ© et de technicitĂ© qui nous Ă©loigne des vraies valeurs, des forces de la nature, des lois de l’Univers.
Médecines africaines, amérindiennes, des aborigÚnes et autres groupes de la famille humaine reposent sur des cultures, sur des croyances qui leur sont propres et sur les ressources médicinales de leur environnement. Elles ont ainsi répondu aux besoins des populations.

2 – Le mystĂšre des origines

Le point de dĂ©part des mĂ©decines traditionnelles qui ont traversĂ© les millĂ©naires demeure un mystĂšre qui ne peut ĂȘtre Ă©lucidĂ©. Lorsque des Ă©crits mĂ©dicaux existent datant de trois ou quatre mille ans avant notre Ăšre, jusqu’oĂč plongent-elles leurs racines dans la nuit des temps antĂ©historiques ? Nous ne saurons jamais ce que nous devons Ă  nos trĂšs lointains ancĂȘtres.
Diverses questions surgissent :

  • Comment sont apparues pour chaque mĂ©decine les premiĂšres vocations mĂ©dicales chez des hommes et des femmes devant ces maladies qui frappaient les membres de leurs groupes ?
  • Quels soins pouvaient ĂȘtre apportĂ©s aux patients, Ă  l’aube des mĂ©decines ?

3 – L’acquisition des connaissances sur les vertus des plantes mĂ©dicinales

L’incertitude, l’ignorance rĂ©gnaient dans ce domaine. Les connaissances approfondies sur les vertus des flores mĂ©dicinales dans leurs environnements trĂšs diversifiĂ©s, sous toutes les latitudes, constituent encore de nos jours une Ă©nigme non rĂ©solue. On ne peut qu’admirer l’étendue du patrimoine ainsi accumulĂ© au fil du temps, sur tous les continents.

4 – L’identification des maladies

Les hommes et les femmes mĂ©decins, Ă  leurs dĂ©buts, se trouvaient devant une tĂąche difficile qui Ă©tait de reconnaĂźtre et de classer les maladies, quelle que soit l’interprĂ©tation qui leur Ă©tait donnĂ©e. Cette identification Ă©tait indispensable pour l’élaboration de traitements appropriĂ©s.

5 – Les surprenantes connaissances thĂ©rapeutiques

Des approches encore trop limitĂ©es ont pu dĂ©couvrir les surprenantes richesses thĂ©rapeutiques des mĂ©decines traditionnelles en activitĂ© dans le monde. AprĂšs la connaissance des vertus des plantes, d’autres dĂ©marches devaient gouverner l’élaboration de traitements adaptĂ©s aux pathologies identifiĂ©es.
 

  • DĂ©terminer, pour chaque maladie, les associations de plantes les plus efficaces ainsi que leurs proportions relatives.
  • DĂ©finir les modes de prĂ©parations les plus adaptĂ©s aux affections en cause.
  • PrĂ©ciser les posologies.
  • Enfin, le point culminant consistait en la conduite des traitements selon sagesse, logique et prudence.


L’ensemble des mĂ©decines du monde a eu Ă  parcourir ces diffĂ©rentes dĂ©marches. Il convient encore d’ajouter que leurs thĂ©rapeutiques recourent aussi aux produits animaux et minĂ©raux. D’autre part, elles incluent paroles de rĂ©confort, priĂšres, chants de guĂ©rison, musique, parfums, ainsi que des rituels et cĂ©rĂ©monies au sein de la communautĂ©.

6 – Quelques exemples de connaissances thĂ©rapeutiques 

  • La mĂ©decine amĂ©rindienne disposait de traitements pour le paludisme et avait guĂ©ri du scorbut au XVe siĂšcle les navigateurs espagnols affligĂ©s de cette redoutable maladie.
  • A notre Ă©poque, un cas trĂšs particulier a Ă©tĂ© signalĂ©. Un voyageur europĂ©en, parvenu en haute altitude dans les montagnes d’AmĂ©rique latine, avait Ă©tĂ© frappĂ© d’un ƓdĂšme aigu du poumon. Il fut sauvĂ© par les soins d’un chaman.
  • La mĂ©decine africaine, au SĂ©nĂ©gal, dispose de traitements remarquables couvrant l’étendue des pathologies mĂ©dicales. On peut citer, entre autres, la tuberculose, le paludisme, les hĂ©patites et autres affections virales, les dermatoses, les rhumatismes, l’hypertension artĂ©rielle, l’épilepsie, le diabĂšte, etc.
  • Un cas particulier : les traitements de la lĂšpre atteignent la perfection

7 – RĂ©flexions

Une question lancinante mobilise l’esprit. Comment des savoirs mĂ©dicaux aussi Ă©tendus ont-ils pu se constituer dans toutes les mĂ©decines du monde ? L’Occident, dans la mĂ©connaissance de leurs contenus, les a qualifiĂ©s « d’empiriques » ! Ces savoirs seraient issus d’observations fortuites, d’indications venant du comportement des animaux malades, dans la nature ? Mais ces explications qui contiennent sans doute une part de vĂ©ritĂ© apparaissent de bien faible valeur. Elles reflĂštent surtout un ensemble de prĂ©jugĂ©s.
Les praticiens traditionnels dĂ©tiennent certainement les rĂ©ponses Ă  ces interrogations. Mais leur profession leur confĂšre beaucoup de retenue. D’autre part, peut-ĂȘtre, estiment-ils que l’esprit occidental est peu apte Ă  comprendre et admettre des rĂ©alitĂ©s non « rationnelles » Et, selon une ligne de conduite, « on ne gaspille pas ses paroles » !
On peut cependant noter l’importance accordĂ©e aux rĂȘves au cours desquels un enseignement thĂ©rapeutique serait dispensĂ©.
D’autre part, en dehors des phĂ©nomĂšnes de clairvoyance, on sait que les chamans, par des contacts avec le monde invisible, dans des Ă©tats de conscience modifiĂ©s, recueillent des indications pour le traitement des patients qui ont recours Ă  leurs soins.
Par ailleurs, le contact permanent avec la nature dans de grands espaces et le silence confĂšrent peut-ĂȘtre une sensibilitĂ©, des capacitĂ©s que la vie citadine, le bruit et les excĂšs de rationalitĂ© ne permettent pas de dĂ©velopper.

La médecine scientifique

L’exposĂ© qui prĂ©cĂšde se proposait d’apporter un regard neuf sur les mĂ©decines traditionnelles enracinĂ©es dans un lointain passĂ© et qui se sont dĂ©veloppĂ©es sans lien avec la science moderne, qui n’avait pas encore vu le jour et qui, actuellement, veut les ignorer.

Il importe maintenant d’étudier la mĂ©decine scientifique, de rechercher quelle est sa vĂ©ritable dimension et la place qu’elle doit occuper pour la santĂ© du monde. En d’autres termes, quel a Ă©tĂ© le rĂŽle de la science dans la mĂ©decine du XXe siĂšcle.

1 – Les bases fondamentales

La mĂ©decine scientifique n’a qu’un peu plus d’un siĂšcle d’existence, une durĂ©e infime par rapport aux mĂ©decines multimillĂ©naires. Elle ne repose pas sur une vision cosmologique et n’aborde pas la maladie dans la complexitĂ© de l’homme, Ă  la fois corps, Ăąme et esprit. Elle se focalise sur le corps humain pour en comprendre le fonctionnement mormal et pathologique. Cette orientation a Ă©tĂ© poussĂ©e si loin que le corps humain lui-mĂȘme devient « virtuel », rĂ©duit aux chiffres des analyses de laboratoire et aux images trĂšs particuliĂšres donnĂ©es par des appareils de haute technicitĂ©.
Il en résulte une médecine deshumanisée, angoissante, sans véritable réconfort pour le malade malgré le dévouement du personnel de santé.

2 – Les aspects positifs venus de la science

  • Un apport trĂšs important a Ă©tĂ© la mise en Ă©vidence des agents pathogĂšnes responsables des maladies infectieuses bactĂ©riennes et virales, fongiques et parasitaires. La nature des « miasmes », vecteurs de la contagiositĂ© Ă©tait enfin rĂ©vĂ©lĂ©e.
  • La dĂ©couverte des vitamines et de leur rĂŽle capital dans l’organisme, ce qui permit la guĂ©rison des maladies dĂ©routantes qu’étaient les avitaminoses.
  • De grandes avancĂ©es dans les disciplines fondamentales : physiologie, histologie, biochimie, biophysique, biologie cellulaire, biologie molĂ©culaire, immunologie, gĂ©nĂ©tique. Ces donnĂ©es ont permis d’affiner les diagnostics jusqu’au niveau cellulaire, enzymatique, gĂ©nĂ©tique mais n’ont pas donnĂ© les retombĂ©es thĂ©rapeutiques qui Ă©taient espĂ©rĂ©es.

Un exemple prĂ©cis, celui de l’hĂ©patite C, montrera la distance qui sĂ©pare l’étendue des connaissances fondamentales et les dĂ©ficiences de la thĂ©rapeutique mise en Ɠuvre.

La structure du virus de l’hĂ©patite C a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©e. Il comporte un brin d’ARN entourĂ© d’une capside et d’une enveloppe.
L’ARN formĂ© de 9400 nuclĂ©otides prĂ©sente entre autres :

  • trois gĂšnes codant les protĂ©ines de structure,
  • d’autres gĂšnes nĂ©cessaires Ă  la rĂ©plication du virus.

Les analyses de laboratoire ont montrĂ© des altĂ©rations cellulaires et les signes d’évolution vers la cirrhose.

Cet ensemble tĂ©moigne de travaux scientifiques trĂšs poussĂ©s. Mais qu’en est-il de la thĂ©rapeutique, elle-mĂȘme dĂ©rivĂ©e de la science ? Elle apparaĂźt peu satisfaisante, sans vĂ©ritable efficacitĂ©, avec de lourds effets indĂ©sirables pour les patients.

  • L’interfĂ©ron provoque un syndrome pseudogrippal prolongĂ©, Il s’y ajoute une diminution des globules blances et des plaquettes sanguines, une dĂ©pression sĂ©vĂšre, une hypo ou hyperthyroĂŻdie.
  • L’antiviral prescrit, la Ribavudine, entraĂźne : hĂ©molyse, dĂ©pression avec risque suidicaire, nausĂ©es, anorexie, prurit, douleur thoracique, friabilitĂ© et bris dentaires, effets tĂ©ratogĂšnes et embryotoxiques, altĂ©ration prolongĂ©e du sperme.

L’exemple de l’hĂ©patite C puisĂ© parmi beaucoup d’autres n’est pas en faveur de l’euphorie qu’avait suscitĂ© l’avĂšnement de la science moderne.

3 – Les aspects Ă  double tranchant

La science avait permis de dĂ©couvrir les antibiotiques actifs sur les germes pathogĂšnes. Les antibiogrammes mettent en Ă©vidence leur sensibilitĂ©. Selon les cas se produisaient la lyse ou l’arrĂȘt de la multiplication. Cette nouvelle thĂ©rapie semblait un acquis dĂ©finitif. Mais les donnĂ©es scientifiques, au moment de la dĂ©couverte, n’étaient que partielles. Elles laissaient dans l’ombre les capacitĂ©s des bactĂ©ries Ă  surmonter les conditions adverses. C’est ainsi que l’antibiothĂ©rapie a fait surgir des germes rĂ©sistants, plus virulents, le sommet Ă©tant atteint avec les maladies nosocomiales.

Un phénomÚne de résistance identique a été engendré par la prescription des antipaludéens issus de la science chimique. La force du paludisme en est intensifiée.

4 – Les effets nocifs Ă  court, moyen ou long terme

De la science est venue, pour la mĂ©decine occidentale, l’orientation vers le « tout-chimie », considĂ©rĂ© comme un immense progrĂšs. Mais la rĂ©alitĂ© offre un tout autre aspect.
Les effets nocifs de médicaments de synthÚse se manifestent :

  • dĂšs leur prescritpion, par des malaises variĂ©s ;
  • Ă  court, moyen ou long terme par l’éventualitĂ© des maladies iatrogĂšnes, graves et souvent mortelles.

Les noms de certains mĂ©dicaments demeurent dans les mĂ©moires aprĂšs avoir causĂ© des malformations foetales qui ont assombri la vie des enfants puis leur vie d’adulte.

5 – La pollution mĂ©dicamenteuse

La science, par l’influence exercĂ©e sur la thĂ©rapeutique, est responsable d’un problĂšme mondial : la pollution mĂ©dicamenteuse de l’environnement et de l’eau.

Un bilan

Le bilan de la rencontre entre la science moderne et la médecine occidentale apparaßt trÚs contrasté : apports positifs et effets néfastes coexistent mais ces derniers apparaissent prépondérants.
La médecine scientifique a sauvé de nombreuses vies mais elle a aussi créé des maladies nouvelles et amplifié la force de fléaux anciens. De surcroßt, elle ajoute sa propre pollution à celles déjà préexistantes.
Quel sera son devenir ? Comment redresser la barre pour retrouver un art médical efficace et sans danger ?
Tel est le problĂšme qui sollicite ce dĂ©but du XXIe siĂšcle afin d’y apporter des solutions.
Les médecines traditionnelles, par leur vaste patrimoine thérapeutique, ont un grand rÎle à jouer. Elles démontrent que science et médecine ne sont pas obligatoirement liées.
La mĂ©decine scientifique, par ses errements, montre que la science, avec ses donnĂ©es toujours incomplĂštes, peut apporter de grands dangers. A la lumiĂšre de tous ces faits, il apparaĂźt que la politique sanitaire mondiale devrait s’engager dans le chemin du renouveau.
Dr Yvette ParĂšs, le 1.10.2009

Retour haut de page