Il est des situations qui semblent bien établies et qui soudain vacillent et finissent par s’effondrer. Un tel scénario se dessine pour la médecine occidentale héritée du XXe siècle et qui, persuadée de sa supériorité, avait imposé sa tutelle mondiale. Malgré de vastes connaissances acquises dans les sciences fondamentales, la précision de ses diagnostics, les prouesses chirurgicales, les techniques de pointe, un talon d’Achille caché sous un masque de puissance la fragilisait : la thérapeutique.
Les esprits les plus pénétrants ne l’avaient pas soupçonné tant était grandes la quiétude et la foi placées dans la science. Les remèdes chimiques constituaient la pointe du progrès, les savoirs ancestraux, les médecines traditionnelles ne recevaient que rejet et mépris.
En ce début du XXIe siècle surgit le temps des bouleversements, des désillusions. Aux faiblesses et méfaits déjà connus et qui s’amplifient – antibiothérapie en déclin, germes résistants, maladies nosocomiales, tuberculoses hyper résistantes, maladies iatrogènes – vient s’ajouter un nouveau péril qui suscite stupeur et effroi. Il s’agit de la pollution médicamenteuse de l’eau jusqu’aux nappes souterraines. Les répertoires des médicaments, tel le Vidal en France, seront les témoins, pour les générations futures, des égarements et erreurs d’une époque qui avait semblé glorieuse.
Un contexte aussi préoccupant ne peut s’éterniser. On ne peut continuer à corrompre l’eau jusque dans ses réserves. Que subsistera-t-il alors de l’édifice thérapeutique établi au XXe siècle sur le « tout-chimie » ? Sans un sursaut pris à temps, vide et impuissance vont poindre à l’horizon. La pollution médicamenteuse apparaît comme un véritable séisme qui secoue jusqu’à ses fondements la médecine scientifique dite « moderne », totalement dépendante pour sa thérapeutique des synthèses réalisées par les laboratoires pharmaceutiques.
Alors qu’elle croyait en sa pérennité, la situation actuelle va nécessairement imposer un renouvellement total des conceptions, une révolution dans les moyens de soigner, soulager et guérir.
Ces constations doivent rapidement se frayer un chemin afin de préparer les esprits aux démarches qui s’imposeront inéluctablement dans un futur plus ou moins proche.
Abordons ces démarches :
Le retour à la nature, pharmacie géante pourvue de toutes les possibilités.
L’exploration des savoirs anciens conservés dans les ouvrages et documents du passé. Mais, fait regrettable, nous n’avons plus de maîtres comparables à ceux des médecines traditionnelles pour nous enseigner le savoir, le savoir-faire ni la conduites des traitements pour les maladies des plus bénignes aux plus graves. Le travail n’en sera que plus ardu mais il ne doit pas nous décourager. Médecins et pharmaciens, parmi les plus talentueux, faciliteront sans doute la réactualisation et l’élargissement des ressources thérapeutiques puisées dans les flores médicinales européennes.
Les modifications profondes dans la formation universitaire dispensée aux étudiants en médecine et en pharmacie.
De plus seraient à prévoir des sorties sur le terrain afin de connaître les plantes médicinales dans leur habitat et de retrouver le contact avec les énergies qui traversent la nature. En même temps seraient réappris silence, concentration, calme intérieur qui permettraient ultérieurement une meilleure écoute des patients.
L’intensification des cultures « bio » des plantes médicinales, herbacées, arbustes et arbres, y compris les vignobles.
L’augmentation du nombre des préparateurs en pharmacie compétents pour les actes galéniques.
La remise à l’honneur, en France, du diplôme d’herboriste qui reconnaît ces auxiliaires utiles de la santé, les autres pays européens étant déjà organisés dans ce domaine.
L’augmentation du nombre des laboratoires spécialisés dans les remèdes phytothérapeutiques.
L’élaboration de lois éclairées facilitant l’exercice des médecins et pharmaciens, et adaptées à la thérapeutique du futur où rigueur et simplicité iraient souvent de pair.
La création d’une nouvelle Organisation Mondiale de la Santé (OMS)regroupant l’ensemble des médecines de la planète, dont chacune détient une part du vaste patrimoine thérapeutique de l’humanité.
En conclusion, la médecine occidentale doit redevenir ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une médecine « verte » reliée aux forces de vie de la nature, non asservie aux puissances matérielles, entièrement libre, laissant aux praticiens toutes leurs prérogatives, leur initiative imprégnée de sagesse, efficace et sans danger de pollution, dans un grand respect de l’Univers.
Ces conditions réunies, l’avenir verrait sans doute se détacher, comme par le passé, des noms célèbres qui traverseraient les siècles.
Dr Yvette Parès
Professeur à l’Université de Dakar de 1960 à 1992
Dr ès sciences, Dr en médecine
Directrice du centre de recherches biologiques sur la lèpre de 1975 à 1992
Directrice de l’Hôpital traditionnel de Keur Massar (Sénégal) de 1980 à 2003